Cette mise à l'arrêt, touchant principalement l'Allemagne, la Belgique et la France, consiste, entre autres, en une réduction des salaires (entre 30% et 40%), ainsi qu'une diminution très significative des activités des sous-traitants, le tout “auréolé” d'un chômage technique pour l'ensemble des unités. La crise financière mondiale risque de frapper de plein fouet l'Algérie. Ceux qui en doutaient ou essayaient d'en atténuer les conséquences ne semblent plus avoir assez d'arguments devant la “réalité” du terrain. C'est en tout cas ce qu'en pensent les travailleurs du complexe d'El-Hadjar à Annaba, dont l'inquiétude est à son paroxysme. Comment ne pas l'être alors que la société mère, Arcelor-Mittal, qui détient 70% de l'usine depuis 2001, vient d'annoncer la mise à l'arrêt de 13 hauts fourneaux en Europe. Une mesure qui touche principalement l'Allemagne, la Belgique et la France. Cette mise à l'arrêt consiste, entre autres, en une réduction des salaires (entre 30% et 40%), ainsi qu'une diminution très significative des activités des sous-traitants, le tout “auréolé” d'un chômage technique pour l'ensemble des unités. Une situation qu'appréhendent avec angoisse les 7 000 employés d'Arcelor-Mittal Annaba. Pour le moment, la direction générale vient de prendre des décisions fermes pour des restrictions drastiques sur toutes les dépenses concernant les activités du complexe. Selon des sources proches de Bernard Bousquet (DG français du complexe en poste depuis une année), d'autres mesures allant dans le même sens sont attendues, ce qui risque d'envenimer encore plus les relations avec les travailleurs. Il y a aussi en ligne de mire le rendez-vous de janvier prochain entre le syndicat et la direction pour renégocier les grilles des salaires trois ans après le dernier accord entre les deux parties. Aussi, cette peur et ses tensions sont encore plus vives eu égard à ce qui se passe au sein de l'entreprise. Avec une production ne dépassant pas les 1,2 million de tonnes d'acier annuellement, le complexe d'El-Hadjar est très loin de répondre aux attentes et du groupe et du marché local. Est-il nécessaire de rappeler que plus de 7 ans après sa privatisation, ses capacités n'ont pas été améliorées et elles ne couvrent même pas 20% de la demande nationale. À cela, il faut ajouter un point d'une importance cruciale et qui donne beaucoup de craintes aux employés algériens ; il s'agit du fait que la filiale algérienne d'Arcelor-Mittal est classée dernière parmi toutes celles se trouvant dans les 60 pays où est implanté le géant mondial de la sidérurgie. Un classement considéré comme une vraie épée de Damoclès au-dessus de la tête des 7 000 travailleurs et qui risque de tomber sur eux à la moindre secousse touchant le groupe. Des analyses algériennes “préventives” Les experts et spécialistes ne s'y trompent pas lorsqu'ils analysent l'état des lieux à El-Hadjar. Ainsi, le 25 octobre dernier, Messaoud Chettih, l'ex-P-DG du groupe Sider (qui détient 30% d'Arcelor-Mittal Annaba), l'a rappelé lors d'une conférence sur la sidérurgie en Algérie : “La production n'est que de 147 tonnes par agent et par an, alors que dans d'autres pays, comme l'Afrique du Sud, elle atteint les 500 tonnes, jusqu'à 1 000 tonnes par agent et par an.” Des chiffres “éloquents” qui en disent long sur les sept ans de présence d'Arcelor-Mittal en Algérie. L'amer constat a été aussi celui de Redha Amrani, consultant en économie industrielle, lors de ses deux contributions sur les colonnes de Liberté (les 19 et 20 octobre dernier). “El-Hadjar est conçu et dispose de toutes les infrastructures et utilités nécessaires à la production de 4 millions de tonnes d'acier”, avait-il écrit tout en mentionnant les dysfonctionnements (et ils sont nombreux) dont serait “coupable” le groupe. Il n'hésitera pas à accuser, même si c'est à demi-mot, Arcelor-Mittal de faire de fausses promesses d'investissement : “On se demande si cela n'est pas un effet d'annonce pour dissuader d'autres investisseurs étrangers, comme l'égyptien Elezz Steel ou les investisseurs du Qatar et des Èmirats arabes unis, et de préserver le marché interne algérien (plus de 5 millions de tonnes de produits sidérurgiques par an, soit un marché de près de 4 milliards de dollars) pour ses entreprises disséminées à travers le monde”, avait-il notamment précisé. “On est tranquille pour au moins trois mois” Contacté par nos soins pour réagir suite auxs derniers événements, M. Kouadria, le secrétaire général par intérim du syndicat d'entreprise d'Arcelor-Mittal Annaba, s'est montré “confiant” dans l'avenir “immédiat” du complexe : “On n'a pas à avoir peur. Actuellement, la crise mondiale ne nous touche pas. Il n'y a aucune alerte chez nous, s'est-il empressé de nous répondre tout en précisant : “On est en contact permanent avec la direction générale, et donc rien ne peut se faire sans nous.” Concernant les risques encourus par El-Hadjar d'être mis par Londres (quartier général de Lakshimi Mittal, patron de la multinationale et le plus riche de la Grande-Bretagne) sur la liste des entreprises à “mettre à l'arrêt”, le chef du syndicat est resté dans le même discours : “Certes, on est au courant de tout ce qui se passe en Europe, mais ce n'est pas la même chose chez nous. Là-bas, il s'agit essentiellement d'une crise touchant le marché de l'automobile. Chez nous, c'est autre chose. On est occupé à satisfaire le marché national. Notre cahier des charges est d'ailleurs rempli pour au moins les trois mois prochains.” Il précisera que les dernières inondations de Ghardaïa ont finalement été “bénéfiques” pour le complexe : “Des écoles et des bungalows vont être construits, et ils ont besoin de matières premières. C'est nous qui allons nous occuper de ces chantiers.” Toutefois, et à propos des dernières restrictions budgétaires instaurées par la direction générale au niveau du complexe, M. Kouadria ne l'a pas nié : “Vous avez raison. Il a été décidé de rationaliser nos dépenses, mais ce n'est pas nouveau chez nous. Juste que cette fois, il s'agit de parer à toute éventualité avec tout ce qui se passe ailleurs.” Ce qui n'est pas loin d'être un aveu que la crise est bien là. Salim Koudil