L'obamania avait gagné l'Afrique, plus que tous les autres continents hors Etats-Unis. Pour les Africains, ce fut d'abord une question de couleur. Enfin, un Noir à la tête de la première puissance du monde ! Qui plus est non pas un Afro-Américain de vieille souche mais le fils d'un Kenyan. À ce propos, Kenya et Guinée équatoriale se disputent la paternité d'Obama. En Guinée équatoriale, les obamaphiles lui trouvent des racines fangs, l'ethnie majoritaire où Obama signifie “l'aigle”. C'est un des nôtres, assure-t-on dans ce pays. Au Kenya, les gens sont fiers de voir un des leurs, membre de l'ethnie Luo par son père, devenir l'homme le plus puissant de la planète. Nairobi, Lagos, pour ne citer que ces deux capitales africaines, avaient voté bien avant le jour des élections pour Obama. Les deux villes, comme tant d'autres dans l'Afrique subsaharienne, avaient ceint leurs boulevards de portraits géants du fils de l'Américaine d'Hawaï élevé en Indonésie où il a tâté la religion de son grand-père paternel, l'islam, avant d'opter pour celle de sa mère, le christianisme pentecôtiste. Son grand-père l'a même surnommé Hussein. Sur l'aéroport de Lagos, la ville la plus américaine d'Afrique, un panneau de 10 mètres sur 8 pour accueillir les visiteurs, l'effigie d'Obama sur la carte de l'Afrique avec comme légende “Obama, l'avenir du monde” ! L'Afrique noire s'était même payé le luxe d'organiser des comités de soutien à son élection, à l'image des Américains, avec tee-shirts, musiques, fan clubs et loteries. Des bars branchés ont été débaptisés pour porter le nom d'Obama. Outre le fait que sa campagne électorale a donné naissance à tout un business, ce qui prouve, s'il en est besoin, la vitalité des Africains, le vif intérêt de ces élections hors du commun a également constitué pour les Africains un moment pour exorciser les parodies d'élection chez eux où les consultations électorales ne se conjuguent qu'avec tricherie, exclusion et violence. Mais les plus sérieux sont conscients qu'il a beau être noir et d'origine africaine, Obama est un fils de l'Amérique et, par conséquent, ne s'attendent pas à des changements radicaux des relations avec l'Afrique avec son entrée à la Maison-Blanche. En effet, le rêve afro-américain est irrationnel, surtout en ces temps de crise économique mondiale où les Etats-Unis pensent d'abord et avant tout à préserver leur suprématie, voire sauver leur peau. Les retombées pour l'Afrique ne sont pas liées à l'origine des locataires de la Maison-Blanche, cela dépend de tendances lourdes que doit gérer le président des Etats-Unis. “Il n'y aura pas de changements significatifs”, prédit un haut responsable de l'Union africaine, Ramdane Lamamra, un diplomate algérien qui a fait un bon bout de sa carrière au sein des Nations unies, à New York. Un point de vue partagé par le président du Sénégal, Abdoulaye Wade, qui affirmait en juin dernier : “Obama est un Américain avant d'être autre chose. Il n'est pas le seul à avoir ses racines hors des Etats-Unis. Mais au finish, ils sont tous américains.” Par ailleurs, Obama n'a pas affiché de position sur ce que sera sa politique africaine. De l'Afrique, il sait que c'est le continent de ses racines, pas plus. Théoriquement, il comblera ces lacunes avec Susan Rice, une afro-américaine et ancienne sous-secrétaire d'Etat adjointe aux Affaires africaines qui a activé dans son équipe électorale. Elle connaît l'Afrique qu'elle a visitée de fond en comble lorsqu'elle avait en charge les dossiers de ce continent. D. Bouatta