En comparant le tissu PME/PMI de l'Italie avec celui de l'Algérie, on comprend, qu'à l'évidence, il y a encore loin de la coupe aux lèvres. Si dans le premier pays, plus de 3 millions de PME fonctionnent, la plupart tournées vers la production industrielle, dans le second à peine 300 000 entreprises existent, selon les chiffres officiels, employant environ 1,1 million de personnes. La prospérité de l'économie italienne dépend, indubitablement, de la force de ses PME/PMI, même si de grosses entreprises existent dans l'industrie mécanique ou des hydrocarbures. Les données Cnas, qu'on peut juger fiables, font état de 432 068 PME, dont 121 853 dédiées aux activités artisanales. Sur l'ensemble, seules 637 PME relèvent du secteur public dont environ 200 appartiennent au secteur industriel, alors que le reste est lié au BTPH. La PME est donc en majorité privée, avec 309 578 PME qui accaparent 52% des crédits bancaires. Reste l'informel peu ou pas du tout évalué, qui travaille dans des créneaux rentables et peu exigeants en savoir-faire, en mise de fonds et en moyens technologiques ou logistiques, qui s'occupe de commerce et de services. À l'international, la PME/PMI algérienne est quasi inexistante. On ne trouve pas plus de 300 entreprises capables d'exporter, de conquérir des parts de marché et de les garder, contrairement aux voisins maghrébins qui réussissent bien à l'extérieur en respectant les normes et règles exigées par les marchés d'accueil. Dans le détail, le tissu existant se compose de 106 865 PME/PMI dans le BTPH, de 53 538 dans le commerce, alors que 27 870 sont versées dans les transports et communications. Soit 142 222 PME (47,94%) dans les services (transports, hôtellerie, tourisme, services aux entreprises, etc.) et 34,52% dans les BTPH, ce qui représente 106 865 PME. Le secteur industriel ne représente que 18,12% du total, incluant mines, carrières, papier, textiles et cuirs, agroalimentaire, chimie et plastique. Le ministère chargé de la PME/PMI, conscient du lourd déficit engrangé par le pays à ce propos, a très tôt souhaité mettre en œuvre une stratégie destinée à développer le secteur. Selon la stratégie envisagée à l'époque, l'objectif à atteindre au bout de 5 ans (2002 et 2006) était d'atteindre 600 000 PME, soit une vitesse de croisière de 120 000 unités/an, alors que la moyenne annuelle a toujours été — entre PME créées et PME abandonnées ou résiliées — 22 à 25 000 PME/PMI créées par année. Le défi était disproportionné par rapport aux compétences existant sur place, à la logistique, à la durée de la construction de l'équipement et de la mise en route de ces entreprises, et cette stratégie a été vite, et sagement, abandonnée pour des choix plus réalistes. Selon un expert, “il est important d'oser prendre des risques, pour un entrepreneur qui engage ses fonds, mais il doit aussi s'attendre à obtenir des gains, c'est naturel”, mais, toujours d'après lui, les pouvoirs publics devraient favoriser la création et la mise en œuvre de fonds d'investissements avec des capitaux risques orientés vers l'industrie. L'essentiel pour les pouvoirs publics est d'accompagner l'investisseur tout en créant des garde-fous. “Mais avant toute chose, déclare notre expert, il est plus qu'urgent de créer un embryon de culture entrepreneuriale aux lieu et place de l'assistanat et de l'affairisme sans risques”. Le Dr Bouyahiaoui ajoute qu'“il est vital d'encourager la prise de risques, l'endurance et la persévérance, tout en faisant la guerre à la recherche du gain facile. Jusqu'ici, on ne connaît pas la durée de vie réelle d'une PME, pour quelles raisons elle naît, grandit, parfois et pour quelles autres raisons elle disparaît. Si, par ailleurs, on manque d'orientation stratégique, avec des buts insuffisamment ciblés, et parfois pas du tout, la question de la mise à niveau du tissu existant de PME n'a pu trouver de solution satisfaisante. “Ce n'est pas la multiplication de séminaires et autres colloques, des études coûteuses confiées à des bureaux d'études et conseils étrangers qui vont donner des résultats”. “Faire appel aux bureaux d'études étrangers, c'est quelque part leur permettre de connaître les forces et faiblesses des PME/PMI algériennes ainsi que les opportunités et menaces du marché algérien, c'est comme donner des armes à l'adversaire, aux concurrents potentiels. Il n'existe, pour l'heure, pas la moindre chance pour qu'une PME algérienne puisse concurrencer une PME étrangère, puisque l'un des principaux critères de l'intelligence économique et de la veille stratégique semble avoir été oublié qui consiste à ne jamais donner d'informations à un concurrent potentiel sur nos forces et faiblesses”, selon le Dr Bouyahiaoui, qui est convaincu qu'“il est nécessaire, de toute urgence, de revoir complètement les stratégies de développement des PME/PMI, ainsi que l'ensemble de la démarche suivie jusqu'ici, en développant une réflexion plus mûre et donc moins soumise à l'improvisation conjoncturelle”. Djamel Zidane