Qui n'a pas entendu, au moins une fois, ce dicton qui dit : “Si le bâtiment va, tout va.” Ce n'est pas en fait un dicton ni un verbe creux, mais une réalité et pour s'en convaincre, il n'y a qu'à voir les pays où le bâtiment se développe, le chômage est inexistant sur toute la ligne. Dans la quasi-totalité des pays développés, le secteur du bâtiment et travaux publics connaît même un déficit en main-d'œuvre. L'exemple de référence est le Canada. Nous n'avons pas visité tout de cet immense pays, seulement la ville de Toronto et sa périphérie, où il est aisé de voir des PME/PMI d'origine italienne travaillant sans relâche de jour et de nuit à une cadence réglée à la montre, réalisant des villas prêtes à être habitées en moins de 3 mois. N'est-ce pas là, un record de géant. Nous ne tarderons pas sur cette “scabreuse expérience d'industrie déindustrialisante” qui a été la cause de la crise matérielle et morale de la société. Il est, cependant, aberrant de constater que les pouvoirs publics semblent rééditer les mêmes erreurs que par le passé. En ignorant la PME/PMI bâtiment et travaux publics, des grands programmes de l'habitat et des travaux publics au profit des Chinois, des Yougoslaves, des Bulgares et autres, constitue encore une insulte pour les capacités et compétences nationales, en d'autres termes : un manque de confiance en soi. Les sociologues avertis nous enseignent qu'il n'y a pas de pays qui ont un savoir-faire et d'autres non. Il y a ceux qui ont confiance en leur savoir-faire, ils sont actuellement sur le podium des puissances économiques actuelles, et ceux qui font confiance en celui des autres, en ignorant consciemment ou inconsciemment le leur, sont à la traîne du développement. Ces pays à la périphérie du développement creusent, chaque jour ou l'année que Dieu fait, l'écart avec ces pays dont ils sont et seront d'éternels assistés et dépendants. En parlant des techniques de construction, Hassan Fathy dans son ouvrage “construire avec le peuple”, a dit qu'il y a des techniques considérées comme traditionnelles et qui sont d'actualité et des techniques dites modernes qui deviennent périmées, et la meilleure technique est celle qui permet au peuple de construire lui-même son propre habitat. Un éminent penseur Algérien —Malek Ibn Nabi — va dans le même sens en disant qu'on ne peut construire ou produire avec les instruments ou les outils des autres Nous pouvons citer d'autres sages tel que Gaston Berger “père” de la prospective qui disait : “Il vaut mieux un plan mal fait auquel le peuple participe qu'un plan parfait auquel le peuple est indifférent”. Toutes les puissances industrielles actuelles ont fait participer leurs artisans, leurs petites activités à leur développement. S'ils ont aujourd'hui des idées c'est parce qu'ils ont travaillé d'abord de leurs mains. Il est triste de constater que le secteur PME/PMI bâtiment et travaux publics, qui constitue 60 % de l'ensemble des PME/PMI privées, non seulement il ne participe pas au développement, mais n'a jamais bénéficié des services d'appui du gouvernement. Ce secteur est écarté des programmes de mise à niveau et d'appui à la démarche qualité. Ce secteur a besoin d'élever sa performance et de travailler selon les normes internationales. Les pouvoirs publics ont occulté complètement ce secteur et dire que les problèmes que rencontrent les entrepreneurs en bâtiment sont encore plus pénibles que ceux des industriels. Il est dommage que les économistes nationaux semblent être plus préoccupés par les autres secteurs (I'industrie, I'éducation) que par ce secteur BTP. La situation de ce secteur est comparable à celle du commerce informel tant il est entouré de l'opacité. Il y a comme on dit “à boire et à manger”. Pour s'en convaincre, il faut discuter avec un entrepreneur de la PME/PMI du BTP quelconque. Il vous racontera comment et à quel prix il se procure le sable, le gravier, le ciment, parfois, il achète le sac de ciment en 3e main. Il vous parlera des acrobaties dont il est astreint pour avoir un marché, des “négociations” avec l'administration pour signer le contrat, avec les contrôleurs, les surveillants des chantiers, avec le CTC, avec les services des impôts, avec les banques pour obtenir un crédit, avec la douane s'il achète ses équipements à l'étranger Avec tous ces “dos-d'âne il est à se demander par quel miracle ces entreprises privées PME/PMI du BTP sont encore debout. Pourtant, nombre de ces entreprises, que le pouvoir a oublié dans sa politique, réalisent des “merveilles” souvent avec les” mains nues” dans la construction et dans la promotion immobilière. Ces merveilles “Small is beautiful”, nous pouvons les apprécier à Boumerdès, à Sétif et dans toutes les moyennes et petites villes d'Algérie. Ceci nous ramène à reposer la question: Au nom de quelle raison, nos capacités propres ne sont pas associées aux gigantesques programmes de construction (programmes AADL). La puissance économique de l'Italie est réalisée par la PME/PMI, celle du Japon, celle des USA. Interrogeons la participation italienne à la construction de certains complexes en Algérie. Le complexe fil à coudre de Hammam Guergour a été construit et mis en fonctionnement par les PME/PMI italiennes. Aujourd'hui, sans démagogie aucune, les capacités du privé algérien, du statut de sociétés familiales, sont en mesure de réaliser 150 000 logements sans l'aide d'aucune technologie étrangère, pourvu que les pouvoirs publics dimensionnent et ouvrent les marchés en leur direction. Le patronat privé du BTP, comme du reste de l'ensemble du patronat, ne demande à l'état que de jouer son rôle véritable de facilitateur lui permettant de travailler sans entraves administratives ou d'être victime de la pénurie de ciment, du sable ou de la brique. Les PME/PMI du BTP sont dotées de meilleurs techniciens en bâtiment et se sont attachées les services d'une jeune élite d'architectes nationaux qui n'ont rien à envier aux architectes étrangers. Elles sont aptes à réaliser des “miracles” pourvu que les décideurs les associent, les fassent participer à la stratégie de développement. Pourvu également que ces mêmes pouvoirs publics définissent une politique claire de cette stratégie. La mise à niveau s'adresse plus à l'environnement de l'entreprise, à l'administration, au service public pour éliminer les obstacles “bureaucratiques” qui empêchent la PME/PMI d'aller de l'avant. Remettre l'Algérie à se niveler sur ses voisins et à les dépasser dépend de la sociabilité des Algériens à partager les idées, à s'initier à la culture du compromis, être convivial, à revenir à la confiance. Toute action sûre est basée sur la confiance, la participation et le partenariat. Sans elle, rien ne se construit de bon. Les quatre décennies de développement que nous avons vécues nous interpellent sur notre devenir et celui de nos enfants. Le changement et le développement durable dépendent du changement de mentalité de l'administration dans tous ses centres de décision. Si la PME/EMI en général s'impose nécessairement comme clé du développement durable véritable, la PME/PMI du BTP doit constituer la priorité des priorités, car elle incarne la santé d'un pays. Le secteur privé du BTP s'impose de plus en plus par son travail, ses performances et sa créativité, malgré sa marginalisation. Le service public doit remplacer les promesses par des actes. Les Algériens n'ont pas le droit de continuer à naviguer à vue Tout programme de relance et tout programme d'habitat et d'infrastructure doivent être élaborés et réalisés avec les bâtisseurs nationaux sincères, sinon l'on continuera à faire rêver les Algériens de “châteaux en Espagne”. A. T. (*) Directeur de “Hommes et Entreprises” Cabinet conseil en études, organisation et recrutement.