La situation des droits de l'homme dans les territoires occupés du Sahara occidental reste très préoccupante. Le constat a de nouveau été établi par la Coordination européenne de soutien au peuple sahraoui (EUCOCO), élargie à de nombreux comités d'Afrique, d'Amérique latine et d'Asie, lors de sa 34e conférence qui s'est tenue à Valence (Espagne) du 6 au 10 novembre dernier. De l'avis de Pierre Galand, le chef d'EUCOCO, “la rencontre de Valence a un sens particulier”, d'autant qu'elle intervient au lendemain de l'élection du nouveau président des Etats-Unis. “Nous comptons faire un appel à M. Obama afin d'établir l'état de droit à l'échelle internationale et pour revenir aux normes de l'ONU”, confie-t-il aux journalistes présents. Mais pour M. Galand comme pour tout le mouvement de solidarité avec les Sahraouis, la question des droits de l'homme dans l'ex-colonie espagnole ne saurait s'écarter de l'état de l'occupation illégale du “territoire non autonome” du Sahara occidental, encore moins du droit fondamental du peuple sahraoui à disposer de lui-même. “Concernant l'autodétermination du peuple sahraoui, réaffirmée récemment par la 4e Commission (de décolonisation) de l'ONU, personne ne peut la contester, pas même l'Union européenne”, soutient le président d'EUCOCO. Plus tard, à l'ouverture des travaux de la conférence, il remarque qu'à la veille du 60e anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, “le monde est en régression”. “Aujourd'hui, il y a urgence, déclare-t-il, de réhabiliter l'ensemble des droits humains, individuels et collectifs, sociaux, économiques, culturels et politiques.” M. Galand souligne ensuite que “la conférence internationale” de Valence refuse que “les droits du peuple sahraoui soient bafoués par l'Espagne, ancienne puissance coloniale, par le Maroc, puissance occupante militairement et colonisatrice, et par l'ONU”. “Nous appelons l'Espagne à reprendre sa responsabilité et à dénoncer publiquement les dits accords de Madrid du 14 novembre 1975, qui constituent une violation caractéristique du droit international”, tient-il à préciser. De son côté, le Collectif des défenseurs sahraouis des droits de l'homme (Codesa) témoigne que les militants sahraouis des zones occupées du Sahara occidental sont devenus la cible privilégiée des autorités marocaines. Dans un message qui sera lu, le Codesa brosse la situation des droits de l'homme, faite d'humiliations quotidiennes, d'emprisonnements et d'interdiction aux ONG sahraouies de se constituer en associations légales. À propos des manifestants sahraouis “réclamant le droit à l'autodétermination et le respect des droits de l'homme”, le collectif indique qu'ils sont soumis aux “méthodes de torture corporelles et psychiques les plus barbares” avant d'être abandonnés à la périphérie des villes ou arrêtés puis livrés à l'appareil judiciaire marocain. Pour appuyer ses dires sur la répression qui touche les civils sahraouis, le Codesa rappelle le cas de Lmbarki Hamdi et Lkhlif Abacheikh, deux jeunes Sahraouis morts sous la torture, celui de Salek Saaïdi, aspergé d'un liquide inflammable, de même que celui de Najem Bouba et Mahmoud El Barkaoui, violés dans les locaux de la police de Tan Tan, qui purgent actuellement une peine de 4 ans de prison ferme à Inzegane. Sans oublier de parler de Soltana Khaya, une jeune Sahraouie qui a vu son œil droit crevé, en mai 2007, sans pouvoir accéder aux soins médicaux avancés, et d'El Ouali El Qadmi qui souffre d'une paraplégie totale, depuis mai 2008. Le Codesa n'a pas omis de remettre sur le tapis le dossier des 526 disparus sahraouis, dont le sort est toujours inconnu, en déplorant en même temps le silence entourant l'identité des dépouilles découvertes, en 2007, dans deux fosses communes situées dans les territoires sahraouis occupés, l'une à El Ayoun et l'autre à Smara. Il a enfin suggéré la présence d'observateurs internationaux et de journalistes dans les territoires occupés, pour être témoins, entre autres, du déroulement des procès des Sahraouis. L'idée de “l'observation des procès” et celle de l'accès aux territoires sous occupation ont été partagées unanimement par les participants à la rencontre. Que fait l'ONU en matière de protection des civils ? Le Bureau international pour le respect des droits de l'homme au Sahara occidental (BIRDHSO), pour sa part, a insisté sur le rôle de l'ONU “dans la protection des droits humains” dans les territoires sahraouis occupés. Au niveau de l'atelier des droits de l'homme dans les territoires occupés du Sahara occidental, les représentants de cette organisation ont proposé aux comités et associations de solidarité de mener “un travail de lobbying” auprès des Etats membres du Conseil de sécurité pour les faire adhérer à l'idée d'assistance de la population sahraouie. Le BIRDHSO a en outre attiré l'attention sur “les limites” du Conseil des droits de l'homme de l'ONU, surtout pour le travail des ONG qui, selon lui, ne peuvent plus se suffire d'être présentes aux réunions du Conseil ni se satisfaire de quelques interventions sur le Sahara occidental. Il faut dire que la réflexion autour des mécanismes onusiens de protection de la population sahraouie des territoires occupés – comme d'ailleurs l'aménagement des territoires sahraouis libérés — a interpellé pratiquement tout le monde, à commencer par la délégation de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) conduite par le président Abdelaziz, les juristes internationaux et les organisations versées dans la défense des droits humains. Mais en attendant de connaître les détails de la réflexion menée en ateliers (qui seront diffusés prochainement), et pour “pallier les grandes défaillances de l'ONU” en matière de protection de la population sahraouie civile, Ali Tamek, militant sahraoui des territoires occupés du Sahara occidental, également un des invités de marque de la conférence, a proposé de lancer une campagne internationale pour connaître le sort des disparus sahraouis et libérer les détenus politiques. Il a aussi plaidé pour la création d'un organe d'information qui éclairera régulièrement sur la situation dans les territoires occupés. L'autre initiative abordée à la 34e conférence concerne la plainte déposée en Espagne contre le Maroc. Il s'agit plus exactement d'une plainte déposée en septembre 2006 par l'association des familles de prisonniers et disparus sahraouis (Afapredesa) et des organisations espagnoles, contre de hauts responsables marocains, pour leur implication dans des actes de torture et de génocide contre le peuple sahraoui. En octobre 2007, la demande a été acceptée par le juge Balthazar Garzon, qui a aussitôt ouvert une enquête, qui se poursuit à ce jour. Si l'on en croit le BIRDHSO, cette action comporte un “enjeu politique important”, lequel exige, par conséquent, plus de moyens pour que la plainte aboutisse. Il faut noter que la 34e conférence des comités de soutien au peuple sahraoui a enregistré la participation de plus de 500 délégués venant de 25 pays. Elle s'est distinguée par la présence de militants sahraouis des territoires occupés qui, pour la plupart, ont connu l'emprisonnement et la torture. Il s'agit de Soltana Khaya, Ali Tamek, Brahim Dahane, Ahmed Hamed et El Mami Amar Salem. Dans sa déclaration finale, la conférence de Valence a rendu un “hommage appuyé” aux militants sahraouis des territoires occupés, non sans dénoncer “les représailles multiformes et les violations massives et répétées” des droits de l'homme commises par Rabat à leur encontre. La 34e conférence a, par ailleurs, réitéré sa position quant à l'arrêt de “la spoliation illégale et éhontée des ressources naturelles” du Sahara occidental, en signalant plus loin la situation humanitaire “en constante dégradation” des réfugiés sahraouis. Sur ce point, elle a appelé les agences humanitaires du système des Nations unies à “s'éloigner des pressions politiques” et à accomplir “pleinement leurs obligations”. En tout cas, le mouvement de solidarité est décidé de se faire entendre et a promis de ne pas chômer d'ici sa 35e rencontre, prévue à Barcelone en 2009. H. A.