Le monde a peur de la mondialisation. Elle est à la fois une menace et un danger car il y a une méconnaissance radicale de ce concept et de ses limites. Dans son sens le plus noble, la mondialisation est une véritable mutation qui a des répercussions et des conséquences sur les sociétés humaines avec une rapidité effrayante et inédite. C'est également un mouvement de destruction et de construction qui contraint toutes les institutions (sociales, politiques, économiques et même culturelles) à se redéfinir. La mondialisation oblige ainsi le monde à se redéfinir. C'est de son aspect culturel dont il a été question, lors d'une conférence au Centre culturel français d'Alger jeudi dernier animée par l'anthropologue canadien Jean Tardif, qui est aussi le délégué général de l'association internationale Planet Agora. Il s'est intéressé à cette dimension qu'il juge “occultée” et “méconnue” de la mondialisation par rapport aux innombrables études économiques publiées sur le sujet. Jean Tardif a entamé son propos par des définitions des concepts de “mondialisation” et de “culture”, avant de poser la question fondamentale du comment vivre ensemble, donc de la “mondialisation culturelle”, tout en insistant sur la dimension extranationale (c'est-à-dire que la nation continue d'exister hors frontières). Cette “mondialisation culturelle”, qui va du local à l'international, n'implique pas une culture mondiale ni même une civilisation universelle, “c'est la mise en présence inédite des représentations, valeurs, institutions et signes où les cultures acquièrent une importance politique mondiale”, définit-il. En fait, c'est un processus interactif en deux pôles actifs : individuel identitaire et social culturel ; et tout changement de l'un a une incidence sur l'autre. Jean Tardif nomme ces interactions “hyperculture globalisante”, ce qui veut dire une “nouvelle matrice de resocialisation” et une nouvelle donne dans les échanges internationaux. Il affirme : “La mondialisation n'est pas seulement l'internationalisation, le concept est plus vaste. C'est une multiplication, une intensification et une interaction.”Ce concept d'hyperculture globalisante fait émerger un nouvel “écosystème” symbolique : on démarre de la culture locale à l'international, qu'il nomme “Eldorado”. Par ailleurs, Jean Tardif considère que les médias sont les principaux vecteurs de la mondialisation culturelle. À travers eux, une nouvelle matrice de socialisation émerge. “Ce sont les nouveaux champs du pouvoir”, assène Tardif.Pour l'anthropologue canadien, on ne maîtrise pas encore la mondialisation culturelle car elle demeure, jusqu'à nos jours, incomprise et mal définie. D'où le danger et la menace. Sara Kharfi