Leçon de démocratie : les Thaïlandais se sont débarrassés de leur gouvernement par voie pacifique. Manifestations, désobéissance, occupations des voies publiques sont venues à bout d'un Premier ministre, Somchai Wongsawat, qui n'est que la marionnette de son prédécesseur en exil, Thaksin Shinawatra, qui est aussi son beau-frère. La population est allée jusqu'à exhorter l'armée à prendre le pouvoir, le roi étant resté sourd à ses exigences. Les militaires qui jouent un rôle de premier plan ont trouvé la parade. Ils ont actionné la Cour constitutionnelle qui a prononcé la dissolution du Parti du pouvoir du peuple (PPP) au pouvoir, reconnu coupable de "fraudes électorale". La nouvelle loi électorale thaïlandaise est sans demi-mesure. Selon la Constitution adoptée en août 2007 sous l'impulsion d'une junte militaire, tout parti peut être dissous si un de ses cadres vient à commettre une fraude. En fait, le couperet était sur la tête de Somchai depuis des mois. La Cour avait ouvert le dossier des irrégularités commises par certains cadres de son parti lors des élections législatives de décembre 2007 remportées haut la main par le PPP. Face à l'intransigeance du Premier ministre de ne pas céder alors que la Thaïlande est le théâtre de manifestations antigouvernementales depuis une semaine, qui ont abouti à la fermeture des deux aéroports de Bangkok bloquant plus de 350 000 passagers, la juridiction s'est finalement résolue à l'unanimité de dissoudre le parti du pouvoir. Il ne fait pas de doute, le coup de pouce a été donné par l'armée. Conséquence, 37 cadres du PPP sont interdits d'activités politiques pendant cinq ans. Et, en premier lieu, le leader du PPP, le Premier ministre. Pour ne pas faire de jaloux, la Cour a également requis la même peine pour deux autres partis de la coalition : le Chart Thai et Matchima. Le Premier ministre a annoncé qu'il acceptait ce verdict. "Mon devoir est terminé. Je suis un citoyen ordinaire", a dit Somchai, 61 ans, depuis la ville de Chiang Mai dans le nord de la Thaïlande où il était retranché depuis la semaine dernière. Pour autant, cette décision conduira-t-elle à une sortie de crise dans le pays ? Les "rouges" (ex-progouvernementaux) jetteront-ils l'éponge ? Le PPP reste puissant. C'est le rejeton du Thai Rak Thai (TRT), ancien parti de l'ex-Premier ministre Thaksin Shinawatra, aujourd'hui en exil et mentor de celui qui vient d'être relevé par la Cour constitutionnelle. Ce parti a toujours renaît de ses cendres. En mai 2007, un tribunal mis en place par la junte avait ordonné la dissolution du TRT, en interdisant de politique 111 de ses dirigeants. Ses militants ont créé le PPP. Suite à cette nouvelle dissolution, les cadres survivants ont d'ores et déjà annoncé leur intention de former un nouveau parti. Anticipant le jugement, ils avaient déjà créé une coquille politique, le Pheu Thai, où 216 députés épargnés par la justice ont l'intention de se regrouper et, le cas échéant, de proposer le nom d'un nouveau premier ministre. Conséquence de cette mise en ordre, le sommet annuel de l'Association des nations d'Asie du Sud-Est (Asean), qui devait se tenir à la mi-décembre à Bangkok, a été reporté sine die. D. B.