Non ce n'est pas une blague. Le président américain, l'homme le mieux protégé dans le monde, a été victime d'un attentat à la chaussure à Bagdad. George W. Bush, un va-t-en guerre comme n'en ont jamais connu les Etats-Unis, espérait faire un dernier tour de piste à Bagdad pour, tenez-vous bien, y proclamer une sorte de victoire, alors que même son proche entourage a fini par ne plus avaler ses couleuvres. Lui-même s'est vu contraint de faire son mea-culpa. En Irak, a-t-il lâché depuis que les électeurs américains se sont détournés de lui, de sa politique et de son parti, “j'ai mal apprécié la situation”. Le président de la première puissance mondiale ne peut pas avouer tout de go ses échecs. Alors, il pensait partir en beauté en retournant sur les lieux où il avait creusé sa tombe en 2003. Mal lui en pris puisque au lieu d'images apaisées et conciliatrices, Bush a eu droit à un attentat symbolique : deux chaussures lancées à la figure par l'un des journalistes irakiens qui assistaient à sa conférence de presse avec le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki. Il n'a esquivé les projectiles que de justesse, plongeant derrière le pupitre derrière lequel il s'adressait aux médias. “Tiens, voilà ton cadeau d'adieu, espèce de chien !”, a hurlé le journaliste qui venait de le viser et de le rater de peu. “De la part des veuves, des orphelins et de tous ceux qui sont morts en Irak !”, a eu le temps de crier l'homme, avant d'être emmailloté par la sécurité, tabassé et expulsé de la salle de presse du palais gouvernemental. L'incident est irrespectueux, mais les deux savates auront lavé en quelque sorte les humiliations qu'a fait subir Bush aux Arabes chez lesquels il s'en était fallu de peu pour qu'il réveille le démon du choc des civilisations. Les savates, bien sûr que c'est peu pour compenser la guerre tragique et sanglante qu'il a fait subir aux Irakiens. Mais, au plan symbolique, c'est énorme. Dans la tradition arabe, jeter des godasses sur un chef, c'est lui signifier que son étoile ne brille plus. L'auteur de cet attentat à la godasse, Muntadar al-Zaïdi, correspondant connu d'une chaîne de télévision irakienne n'a pas pété les plombs comme tentent de l'expliquer Bagdad et Washington. Muntadar a fait ce que beaucoup d'Irakiens, d'Arabes et d'autres ont rêvé de faire. Bush ne s'est pas démonté et a pris le parti de rire, annonçant que les projectiles utilisés étaient de pointure 10 ! Le lanceur de chaussure risque deux ans de prison pour insulte à un chef d'Etat étranger en visite en Irak. Des centaines d'avocats, dont des américains et un ancien avocat irakien de Saddam Hussein, Khalil Doulaïmi, basé à Amman, ont exprimé le souhait de défendre le journaliste gratuitement. D. B.