La présence américaine en Irak tourne au cauchemar pour le président George W. Bush. Alors que sa cote de popularité était à son zénith au plus fort des attaques contre Kaboul puis contre Bagdad, ce n'est plus le cas aujourd'hui, où de nombreux citoyens américains se posent des questions sur le sens qu'il convient de donner aux dizaines de morts de soldats américains en Irak. George Bush père avait connu la même mésaventure, sanctionné qu'il fut par les électeurs, qui lui ont préféré Bill Clinton, parce qu'il n'avait pas su mener à son terme la première guerre du Golfe, Tempête du désert. Son fils, qui a été élu sur tapis vert, alors que le décompte des voix n'était pas vraiment terminé, a trouvé dans sa croisade anti-Taliban puis anti-Baath des motifs de remonter dans les sondages. Apparemment, tout comme en 1991, le travail n'est pas achevé, et la grande armée américaine, forte de ses 130.000 hommes, auxquels il faut ajouter les 22.000 hommes fournis par d'autres pays et regroupés dans deux divisions multinationales déployées au sud de l'Irak, ne trouve pas les moyens de se sortir de ce bourbier. Cet enlisement se reflète dans l'embrouillamini des déclarations des responsables américains et sur les priorités de leur présence au Moyen-Orient. Ainsi, si pour l'administrateur civil Paul Bremer: «Saddam Hussein est vivant en Irak et sa capture est notre priorité», pour George Bush, les deux missions principales sont bien sûr la traque de ben Laden et de Saddam Hussein, mais la priorité des priorités reste «l'émergence d'une société libre et démocratique». Cette dernière exigence ne manque d'entraîner dans son sillage le bouleversement des régimes monarchiques de la région, dont le royaume wahabite en poste en Arabie saoudite. Pris en tenaille entre le diktat américain, qui souhaite une modernisation et une démiocratisation des institutions et le conservatisme des ultra religieux qui tiennent à perpétuer leur pouvoir et donc leur rente, le trône est sur le cratère d'un volcan, et cette situation de crise profonde se traduit par des attentats terroristes d'une rare violence menés par le réseau Al-Qaîda, dirigé par Oussama Ben Laden qui ne pardonne pas au pouvoir de l'avoir déchu de sa nationalité tout en prêtant allégeance aux Américains. L'approche des élections présidentielles aux Etats-Unis, au cours desquelles George W.Bush devra remettre son mandat en jeu va certainement accélérer le processus de désengagement des troupes américaines en Irak. Sinon ce sera la débâcle assurée pour le président sortant. Déjà de nombreux candidats démocrates à l'investiture aux Etats-Unis critiquent ouvertement la politique de Bush en Irak. Par ailleurs de nombreux alliés américains dans le monde restent prudents quant à l'envoi ou au maintien des troupes en Irak. Cela est le cas des Sud-Coréens, des Turcs, des Japonais. Quant à Rome, surtout après l'attentat qui a fait plusieurs victimes parmi ses soldats, elle a demandé d'accélérer les délais de la transition politique en Irak, par la mise en oeuvre de la résolution 1511 de l'ONU, qui invite le conseil de gouvernement de transition de l'Irak à lui communiquer avant le 15 décembre un calendrier pour la rédaction d'une Constitution et la tenue d'élections. Le ministre français des Affaires étrangères, M.Philippe de Villepin, va plus loin. Il a déclaré: «Je n'accepte plus de voir tous les jours autant de morts américains, britanniques, espagnols, polonais, italiens.» On peut comprendre par là que les morts irakiens sont acceptables. Bref, différentes voix se font entendre pour demander le transfert de la souveraineté aux Irakiens, même si Ronald Rumsfeld assure que le président G.W.Bush a pris l'engagement que «nous resterions là-bas aussi longtemps que nécessaire». Mais en fait, il n'en est pas aussi sûr lui-même, vu que la Maison-Blanche est à la recherche d'une personnalité comme Hamid Karzai pour assumer des responsabilités nationales en Irak. On attendra certainement d'en savoir plus avec les tournées de Bush et de Colin Powell en Irak, à la recherche d'une solution qui permettra aux Etats-Unis de quitter l'Irak en tout bien tout honneur. Si c'est encore possible.