Un nouveau conflit américano-irakien va bel et bien éclater dans les tout prochains mois. «Motus et bouche cousue», voilà décodés dans les coulisses du Palais Manhattan les desseins de Washington clairement transposés, jeudi, par le Président George W.Bush dans son intervention devant la 57e Assemblée générale de l'ONU. Quatre jours après les menaces américaines, les langues se délient. Les délégations arabes, africaines, asiatiques et latino-américaines sont convaincues que les faucons ont pris le dessus à la Maison-Blanche et que les conditions du retour des inspecteurs en désarmement de l'ONU à Bagdad, ne règleront rien même si Saddam Hussein n'émet aucune réserve à leur mission. L'analyse, ici largement partagée par la communauté internationale, est sans appel, comme le souligne le chef de la délégation palestinienne, Nabil Chaat, qui a rencontré vendredi le chef de l'Exécutif américain. «Nous avons, dit-il, maintenant les deux pieds dans le nouvel ordre mondial que veut réaliser l'Amérique.» Le droit ou le devoir d'ingérence finira-t-il par faire recette? Sinon comment expliquer cette obstination américaine à chasser, coûte que coûte, Saddam Hussein du pouvoir? En filigrane, le discours de Bush est, sur ce registre, sans équivoque. Ne dit-on pas qu'après les mots, viennent les coups? La rhétorique américaine ne fait plus recette. Un nouveau conflit américano-irakien va bel et bien éclater dans les tout prochains mois. Washington va, à coup sûr, accélérer la cadence avec de nouvelles surenchères. L'objectif numéro 1 est de démolir le régime de Saddam, non parce qu'il constitue un danger pour la région et Israël, mais tout simplement un tel projet devient une exigence incontournable dans la construction géo-stratégique du nouvel ordre mondial que veulent réaliser les Etats-Unis. Le discours de Bush en a clairement tracé les contours. Tout le monde est convaincu que ce ne sont pas le retour des inspecteurs en désarmement en Irak et son acceptation qui posent problème, mais l'acharnement américain à vouloir décider de l'avenir du peuple irakien en choisissant le régime qui le dirigera. Le réquisitoire américain contre Saddam n'est, jusqu'à présent, étayé d'aucune preuve, mais cela suffit amplement à mesurer le degré d'hostilité de Washington à l'égard de Bagdad. De légitimes interrogations sont soulevées quant aux objectifs réels poursuivis par la Maison-Blanche à travers un bellicisme antiarabe lequel fait rappeler à tout le monde que, pas une seule fois, Bush n'a cité Israël pour éviter d'évoquer les nombreuses atteintes au droit de l'Homme en Palestine, ni braquer les regards sur les exactions de Sharon qui se sont traduites jusqu'ici par la détention de 11000 Palestiniens. Cela sans évoquer que dans cette région sensible du monde qu'est le Proche-Orient, Israël ne se soumet guère aux normes requises sur le désarmement international puisqu'il ne détient pas moins de 300 ogives nucléaires. Alors, pourquoi deux poids, deux mesures? La promesse de Bush de contribuer à l'existence d'un Etat palestinien, fait sourire aujourd'hui. Vieux déjà de dix ans, cet «engagement» américain n'était destiné, en fait, qu'à leurrer l'opinion arabe pour éviter qu'elle ne bascule du côté irakien. Après le père Bush, le fils George W. a recours au même procédé en promettant aux Arabes son soutien à la création d'un Etat palestinien, même si le plan de paix de l'Emir Abdallah, adopté lors du dernier sommet arabe de Beyrouth, a été torpillé par Colin Powell. Plus que jamais, les Arabes sont persuadés que les promesses USn'engagent que...ceux qui les reçoivent. Toute cette agitation médiatico-politique entretenue par les Américains, obéit, de l'avis de nombreux observateurs, à d'autres objectifs. Dans la stratégie du nouvel ordre mondial que veulent bâtir les Etats-Unis, l'enjeu primordial est de contrôler la route du pétrole déjà balisée depuis l'Afghanistan. Washington sait que l'Irak détient, à lui seul, des réserves de 150 milliards de barils de pétrole dans une région recélant la moitié de la production mondiale. L'Arabie Saoudite, qui n'a plus bonne presse aux Etats-Unis depuis les attentats du 11 septembre, se voit ainsi concurrencée sur son flanc nord par l'Irak auquel il ne reste qu'un nouveau régime politique à installer pour succéder à celui de Saddam. Bagdad pourrait désormais ne plus se suffire dans les prochains mois d'écouler sa production quotidienne d'un million de barils contre de la nourriture, mais de passer au cap supérieur de production de 10 millions de barils...si Saddam était chassé du pouvoir. Cela explique clairement pourquoi le discours prononcé jeudi dernier par le président George W.Bush exhalait de...forts relents de pétrole.