Des universitaires de divers pays se sont intéressés aux aspects anthropologiques de la chevalerie spirituelle. Les travaux du colloque international sur le soufisme se sont poursuivis, ces deux derniers jours, avec plusieurs communications à l'ordre du jour. Des universitaires de divers pays se sont intéressés aux aspects anthropologiques de la chevalerie spirituelle. Djamil Aïssani, du CNRPAH d'Alger, a abordé l'influence de l'ordre rahmani dans la vallée de la Soummam à travers le cas de cheikh Aheddad qui, le 8 avril 1871, proclama le djihad à l'appel d'El-Mokrani contre la présence française en Algérie. Boutheina Jlassi, de l'université de Kairouan en Tunisie, a, dans son exposé, rappelé les dimensions anthropologiques de la chevalerie spirituelle chez les saints de Kabylie. L'intervenante considère la chevalerie spirituelle comme une épreuve de transcendance chez le soufi en général et le saint en particulier. En effet, la chevalerie spirituelle constitue un substrat aux valeurs humaines idéales que les saints adoptent dans une sorte de courage transcendantal. Mlle Jlassi établit une relation directe entre la tribu, en tant qu'espace temporel, et la chevalerie spirituelle qui trouve naturellement ses adeptes dans ce même espace géographique. Pétri de “belles mœurs”, le saint est, selon la conférencière, un soufi accompli ; il est considéré comme un homme courageux et capable par sa droiture de se sacrifier pour l'idéal spirituel. Il devient alors un symbole pour sa communauté en ce sens qu'il constitue dans la représentation symbolique un protecteur contre les agressions extérieures. Imprégné des valeurs soufies et du savoir religieux, le saint est connu pour sa proximité du sacré. L'universitaire Sarah Jouini abonde dans le même sens en s'intéressant à la résistance chez les soufis maghrébins. L'oratrice a dû remonter le temps jusqu'à l'époque médiévale pour tenter de comprendre les liens établis entre le marabout avec le politique et le juridique. Le Français Jean-Jacques Thibon de l'université de Clermont-Ferrand a donné, lui, une communication qui ne manque pas de pertinence sur la chevalerie spirituelle dans les premiers manuels de soufisme. Selon l'universitaire, il s'est intéressé, en effet, à la manière dont “le soufisme a récupéré et intégré la futuwwa comme une composante à part entière de la spiritualité”. La futuwwa présente une éthique du comportement liée à des formes d'organisation collective, considère M. Thibon, précisant au passage que c'est le soufisme qui a “islamisé” la futuwwa en donnant une dimension spirituelle à un corpus profane. Autrement dit, “il s'agit d'un idéal de comportement qui déborde très largement de la seule pratique religieuse pour englober tous les aspects de la vie sociale”, conclut Jean-Jacques Thibon. C'est sur ces aspects qu'a débordé le Marocain Abdelhak Moncef dans sa communication sur la symbolique de la beauté soufie dans la vie sociale. Il dira que le soufi est d'abord un être fait de chair absorbé par la vie quotidienne, avant d'apparaître dans sa spiritualité et sa relation avec le sacré. Les travaux du colloque seront arrivés à leur terme ce matin avec la dernière série de communications. Très attendu, l'exposé de Ahmed Benaoum, du CNRPAH, ne manquera sans doute pas d'intérêt. Et pour cause, l'universitaire dissertera sur la relation entre le sacré et le politique pour tenter d'asseoir une théorie de l'insurrection armée au XIXe siècle. Plus prosaïquement, il s'agira in fine de comprendre l'incursion du religieux dans la sphère politique, une problématique encore d'actualité. Yahia Arkat