La chevalerie spirituelle dans l'ordre rahmani est le thème d'un colloque international, dont les travaux ont été ouverts, hier à la maison de la culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, par l'inspecteur général du ministère de la Culture qui a donné le coup d'envoi solennel de cette manifestation en présence des autorités locales. Organisé par le Centre national de recherches préhistoriques, anthropologiques et historiques Cnrpah, le colloque est à sa cinquième édition, après Mostaganem, Tlemcen, Béjaïa et Alger. Près d'une cinquantaine d'universitaires nationaux et internationaux prennent part aux travaux de ce colloque, dont le thème générique se veut un moment de débat et de réflexion sur le soufisme, un mouvement de pensée spirituelle qui a irrigué l'histoire de l'Algérie. La première communication a été donnée par Mohamed Brahim Salhi de l'université Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, qui a abordé le thème de la spiritualité dans l'ordre rahmani, entre le global et le local. Selon cet universitaire, la Rahmania, dans son cheminement historique, “réalise une articulation entre une spiritualité globale inspirée de ses racines soufies et les cultures des terroirs qui constituent son sol empirique”. M. Salhi s'est attelé à développer ces aspects sur le cas de la Kabylie, en mettant l'accent sur le fondateur de la tariqa, Sidi Mohamed Ben Abderrahmane El-Guechtouli, El-Djerdjari, El-Azhari. Poursuivant son exposé, le conférencier dira que la Kabylie est le berceau de l'ordre rahmani. Un ordre spirituel assis sur un triple socle fondateur : une connaissance juridique, une connaissance des doctrines mystiques et un savoir coranique. Autrement dit, l'ordre soufi exige des références en matière de compétence scripturale. Cet ordre rahmani, fondé en 1774, a connu une expansion extraordinaire vers la fin du XVIIIe siècle, avec notamment le retour, en 1794, de Sidi Abderrahmane d'Alger vers son village des Aït Smaïl, à Boghni en Kabylie. Selon des écrits de référence, il aurait été “chassé” par l'administration ottomane. La tariqa Rahmania a trouvé un terrain fertile pour en faire un fief ; en effet, avec un réseau de zaouïas aussi dense, elle a pu diffuser le savoir coranique, au point où elle a été qualifiée de “l'église nationale des Kabyles”. D'un point de vue anthropologique, affirme l'universitaire, Sidi Abderrahmane est un cas concret de cette spiritualité allant du local vers le global et inversement. Issu du cru des Aït Smaïl (actuellement Bounouh), “le cheikh portait en lui la culture et les valeurs du terroir mais s'est frotté avec le savoir universel grâce à son long périple initiatique”. L'ordre rahmani héritera plus tard d'un chef institutionnel et spirituel du nom de Mohend Ameziane Aheddad, celui-là même qui avait mobilisé 100 000 hommes contre la présence française en Algérie lors de l'insurrection de 1871. L'orateur conclut que la tariqa ne se pratique pas sous la contrainte, contrairement à l'obscurantisme. Les travaux du colloque vont se poursuivre jusqu'à mercredi, avec des communications qui brasseront la thématique à l'ordre du jour. Ainsi, cet après-midi, l'universitaire tunisienne Boutheïna Jlassi dissertera sur les dimensions anthropologiques de la chevalerie spirituelle chez les saints de la région de Kabylie où elle est considérée comme une espèce de “transcendance spirituelle”. Pour la journée de demain, sa consœur Sarah Jouini abordera, elle, la résistance chez le soufisme maghrébin. D'autres communications seront données par des spécialistes venus de plusieurs pays comme l'Iran, la Turquie, la France, l'Azerbaïdjan, l'Inde, la Chine, la Belgique, le Sénégal, l'Albanie, la Syrie, l'Egypte, le Maroc, la Tunisie, en sus des universitaires nationaux. Le comité scientifique de coordination du colloque est présidé par le Dr Zaïm Khenchelaoui, spécialiste en anthropologie des religions. En marge du colloque, des troupes du chant soufi sont programmées, avons-nous appris auprès des organisateurs par ailleurs. Yahia Arkat