Victimes d'une mise à l'écart de l'univers civilisé et du statut de citoyen, neuf familles vivent à l'ère de Robinson Crusoé, même si le naufrage du compagnon de Vendredi n'a rien d'humiliant comparé à la descente aux enfers de ces malheureux Au lieu-dit Ali-Amrane 2 de la cité aquatique de Bordj El-Kiffan, il y a l'enfilade d'une douzaine de chalets où vivent neuf familles ramenées ici dès le début de l'an de grâce de 2007 de l'enfer du centre de transit qu'était établi en face du séculaire m'çid (école) Fatah de la Haute-Casbah de la houma (quartier) de Bab Djedid. Et depuis le dessaisissement d'un “ballot” de misère aux bons soins de leurs alter ego de l'ancien Fort-de-l'Eau, les élus de l'antique médina d'Alger s'époussettent les mains de cet attirail bien encombrant. À telle enseigne qu'ils ne se sentent plus compromis dans la destinée peu enviable de ces malheureux. En effet, une conduite que d'aucuns parmi les sinistrés qualifient de discrétionnaire : “À en croire le P/APC de la Casbah qui s'exprimait sur les ondes de la radio El-Bahdja, il n'y a plus aucun sinistré dans les chalets de la côte est d'Alger. Or, nous sommes bel et bien là au site d'Ali-Amrane 2 depuis le 1er janvier 2007, date à laquelle s'est atténué provisoirement le supplice que nous avions vécus au centre de transit au 10, rue Mohamed-Azzouzi du boulevard Abderrezak-Hahad, anciennement Verdun”, a déclaré l'occupant du chalet n°12, Rachid Terniche en l'occurrence qu'est un authentique Casbadji, puisqu'il est natif de “Akibat Chitane” (la rue du diable). Il n'en fallait pas beaucoup pour soulever l'ire de ces sinistrés qui décidèrent d'aller tambouriner vainement à la porte de l'actuel P/APC de la Casbah. Le long cheminement vers la citoyenneté s'il en est, l'indifférence de l'élu de la terre hôte, se répercute d'horrible façon sur l'état d'esprit et s'insère quoiqu'à l'effroi de ce rassemblement d'indigents. D'ailleurs et s'agissant du long feuilleton de “recasement”, le scénario de l'épisode de leur relogement tarde à s'esquisser comme cela s'est fait pour leurs congénères d'infortune devant l'œil de la caméra de l'unique. D'ailleurs, ils ne comptent plus le nombre de fois où ils ont agité des mouchoirs et des au-revoir au départ de leurs “heureux” voisins de mésaventure vers leurs pimpantes demeures. Si tant et d'affligeantes séparations qu'ils nourrissent l'espoir secret qu'un jour le soleil se lèvera pour eux à l'horizon du front de mer où la brise marine a laissé d'excessives séquelles sur la santé de leur frêle progéniture. Et pour ne pas “craquer” sous l'avalanche d'ordonnances médicales, c'est l'option de la ténacité et de l'esprit de famille qu'ils opposent à l'infernale spirale d'entrevoir un jour la lueur d'espoir au bout du long corridor vers le statut de la citoyenneté. Une tranche de vie égale à l'âge moyenâgeux En effet, en ce lieu-ci et à un ressac de l'avenue chic du “P'tit Paris” de Fort-de-l'Eau d'antan et de ses restaurants cossus, “moisissent” des contribuables qui s'acquittent pourtant rubis sur l'ongle de la dîme beylicale. Seulement, qu'importe l'acte de l'impôt “citoyen” prélevé à la source, puisqu'ils empruntent chaque jour qu'Allah fait, le dédale de pistes miséreuses où il y a le charivari de l'aménagement d'une aire de jeux ainsi que la construction d'un lycée et le ballet nocturne d'engins de travaux publics qui fait peu cas de la tranquillité de ces sinistrés. Et à l'envie d'en savoir un peu plus sur l'intérieur d'un chalet qui est à peine plus grand qu'un prieuré d'un monastère, cela esquissa un rictus de dépit sur les faces de nos interlocuteurs : “On n'en est encore au gaz butane qu'il faut aller chercher loin chez le dépositaire, mais s'agissant de l'éclairage, l'équipement domestique a subi moult avaries à cause de fréquentes coupures d'électricité”, disent à l'unanimité ces malheureux. Quant à l'école, les juniors vont au lycée du lieu-dit de la Sntr alors que les tout-petits fréquentent les “chalets” de l'école de la Verte Rive qu'est l'actuelle “Dif El Khadra”. D'un centre de transit à l'enfer Auparavant, pour l'information chronologique et pour l'historiette d'une péripétie tout à fait individuelle, le supplice d'un “quartette” de familles a commencé à la croisée d'un chemin de croix dès l'effondrement de leur douéra (bâtisse mauresque) sise au 2 de l'impasse Silène de la Basse-Casbah et auxquelles se sont greffées dans la douleur cinq smalas toutes natives à la rue Brahim-Fatah de l'îlot de Boumedfaâ si près du passage baptisé du saint Sidi Bouguedour : “En fait d'un centre de transit, c'était en vérité une bâtisse vétuste qu'avait inauguré au siècle dernier le président de l'APC d'alors, dans l'optique d'un recasement imminent. Seulement, sept années se sont écoulées pour en arriver là.” En effet et selon l'attestation de sinistrés (sic), ils y vécurent ainsi durant “sept ans de réflexion” à l'issue duquel ils ont été “débarder" sur la rive de la baie où a échoué tout comme eux naguère, le bateau cassé. Bien entendu, ni l'élu de la Casbah ni son homologue de l'ancienne station balnéaire de Fort-de-l'Eau n'ont voulu y toucher à la bouteille qu'on jetée ces malheureux à la mer. Pourtant, le SOS est audible de derrière l'écran du crachin que brouille l'avenir de ces malheureux. Nazim Djebahi