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Jusqu'à quand l'impunité ?
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Publié dans Liberté le 29 - 12 - 2008

Le peuple palestinien vit une véritable crise humanitaire depuis plus de deux ans d'embargo imposé par Israël. Malheureusement, aucun des appels de la communauté internationale et de l'ONU n'a été entendu pour fléchir la politique de sanction collective imposée à la population civile. Prétextant des attaques menées contre le sud du pays par les militants du Hamas, Israël a lancé des raids aériens massifs sur une population désarmée et affaiblie dans tous les aspects de la vie quotidienne.
L'armée israélienne tue avec la bénédiction des acteurs du nouvel ordre sécuritaire dans l'indignation de pure forme des élites occidentales et arabes. Les attaques de samedi et de dimanche derniers ont tué plus de 275 personnes et blessé plus de 700 personnes, dont une centaine sont dans un état grave. Une cinquantaine d'appareils israéliens ont bombardé une quarantaine de sites sécuritaires, notamment le quartier général de la police dans la ville de Gaza et des camps d'entraînement. Les F16 ont, entre autres, détruit la rue principale de Salah el-Dine, dans le nord de la bande de Gaza qui relie les cités de Beït Hanoun, de Beït Lahia et de Jabalia.
L'opération “Plomb durci” est l'une des attaques les plus meurtrières lancées par Israël contre les Palestiniens depuis des dizaines d'années. Israël a même menacé Hamas d'une possible opération terrestre “en cas de nécessité sécuritaire”. Les dirigeants israéliens avaient brandi la menace d'une opération d'envergure à Gaza après la fin, le 19 décembre, d'une trêve de six mois négociée avec Hamas par l'intermédiaire de l'Egypte. Après son échec cuisant infligé par le Hizbollah libanais en été 2006, et la crise de l'establishment qui en a suivi, l'armée avait besoin en toute évidence d'une victoire dans le nouvel échiquier du Grand-Moyen-Orient en gestation. Comme le maillon le plus faible dans le monde arabe et musulman est devenu les Palestiniens, le Hamas est par conséquent la cible privilégiée.
Les réactions diplomatiques
Comme à l'accoutumée, les réactions internationales ont rapidement condamné ce carnage, mais aucune mesure immédiate n'a été prise pour faire cesser ces raids massifs. Bien au contraire, cette impunité a même encouragé les autorités israéliennes à aller au bout de leur programme. À cet effet, le ministre israélien de la Défense Ehud Barak, lors d'une conférence de presse, a déclaré que l'opération “se poursuivra et s'intensifiera autant que cela sera nécessaire”. De son côté, Mme Tzipi Livni, la ministre des Affaires étrangères, a affirmé que “nous avons fait preuve de retenue jusqu'à présent. Aujourd'hui, il n'y a pas d'autres options qu'une opération militaire” contre le Hamas. Livni avait annoncé cette opération, au Caire, après une rencontre avec Hosni Moubarak. D'autres dirigeants arabes et occidentaux ont été, selon toute vraisemblance, au courant d'une attaque imminente à Gaza pour faire déloger “les terroristes de Gaza”. Ces “terroristes” ont pourtant accepté pour un temps de jouer au jeu de la démocratie occidentale.
Les réactions arabes
Du côté palestinien, le Hamas a appelé son bras armé, les brigades Ezzedine al-Kassam, à “mettre tous les moyens en œuvre pour empêcher les sionistes de dormir”. Comme riposte militaire, des roquettes artisanales furent tirées rapidement, l'impact de ces roquettes n'a aucun effet réel sur la force de frappe israélienne qui reste de loin supérieure à celle de toutes les armées arabes unies. En revanche, ces tirs permettent de donner à l'armée israélienne une justification supplémentaire pour poursuivre ses attaques, tout en renforçant la stratégie expansionniste et du fait accompli.
Rappelons que la stratégie de “ni guerre ni paix” adoptée par les dirigeants arabes depuis la création de l'Etat hébreu en 1948 a permis aux Israéliens de justifier l'expansionnisme territorial. La superficie de “l'Etat palestinien indépendant” s'est rétrécie considérablement, en dépit de six guerres israélo-arabes, comme une peau de chagrin. Dans le meilleur des cas, aujourd'hui, la superficie de cet Etat ne représenterait que 5% des territoires occupés. Un “micro-Etat” qui serait instrumentalisé comme une base arrière pour le terrorisme islamiste, un nouvel enjeu des luttes à géométrie variable.
Le président palestinien Mahmoud Abbas a annoncé des “contacts urgents avec plusieurs pays arabes et autres pour faire cesser l'agression lâche et les massacres dans la bande de Gaza”. Le président palestinien Mahmoud Abbas a déclaré que le Hamas aurait pu éviter l'offensive israélienne dans la bande de Gaza en mettant fin aux tirs de roquettes contre l'Etat juif. À Ramallah (Cisjordanie), le gouvernement palestinien a affirmé que des contacts étaient en cours pour une réunion d'urgence du Conseil de sécurité des Nations unies.
Les dirigeants arabes ont généralement condamné Israël et leurs ministres des Affaires étrangères devaient se réunir d'urgence au Caire. Un communiqué condamnant la “barbarie sioniste” émanera des rencontres arabes, tout en promettant aux Palestiniens une assistance matérielle et financière. Mais cette fois-ci, cette aide ne serait pas conséquente parce que la rente pétrolière commence à se tarir.
L'Europe et le statut particulier d'Israël
Quant à l'Europe, il n'y aurait rien à espérer quand l'Union européenne se fait gouverner par des présidents comme Nicolas Sarkozy, dont l'une de ses premières actions en tant que président en exercice de l'UE était d'accorder un statut particulier à Israël. Les ministres des Affaires étrangères de l'Union européenne ont adopté, les 8 et 9 décembre, un texte intitulé “Council conclusions strengthening of the EU bilateral relations with its Mediterranean partners - upgrade with Israël”. Sous l'impulsion de la présidence française, le principe de rehausser les relations entre Israël et l'Union européenne a été accepté. Israël a fait obstacle à la représentation de la Ligue arabe dans les politiques euroméditerranéennes.
De ce fait, cet Etat remet en cause les engagements officiels de l'Union européenne. Si Israël souhaite, comme il le dit, briser son isolement dans la région et lier des relations politiques et diplomatiques avec l'ensemble des pays arabes, trouvera-t-il meilleur cadre que celui de la Ligue arabe ?
Les Etats-Unis et la lutte contre le terrorisme
Les Etats-Unis ont pressé Israël de faire en sorte que les raids ne fassent pas de victimes civiles, tout en avertissant le Hamas qu'il devait cesser ses attaques à la roquette “pour que la violence cesse”. Connaissant la densité de la population à Gaza, un tel conseil correspondrait à donner carte blanche aux dommages collatéraux. “Légitime défense” avait plaidé le président George Bush lorsque l'armée israélienne avait attaqué le Sud-Liban en 2006.
Depuis les terribles évènements du 11 septembre 2001, une nouvelle théorie du droit international commence à être appliquée sur la question de la lutte contre le terrorisme, bien que la notion de terrorisme renferme plusieurs centaines de définitions. Le président George W. Bush a instauré dans cette perspective une nouvelle catégorie, celle d'“ennemis combattants” qui ne sont pas justifiables des procédures légales, et que l'on peut enfermer à Guantanamo, voire torturer, au nom de la défense de la “civilisation”.
Quant au successeur de George Bush, Barack Obama, dont le cabinet est fait de personnalités politiques très influentes dans le lobby israélien, a préféré “observer” de loin les évènements de Gaza. La ligne rouge à ne pas franchir semble être tracée pour le nouveau président américain. S'il souhaite être reconduit pour un second mandat, il a intérêt à poursuivre la tendance lourde pré-existante à Washington. Le président Obama ne réagira pas au drame palestinien comme un Noir, au risque de décevoir l'opinion arabe, mais comme un Américain prenant en considération les intérêts des lobbies qui ont contribué à sa victoire électorale. En outre, avec Hillary Clinton au département des Affaires étrangères, sénatrice ayant soutenu l'occupation de l'Irak, il ne faut pas s'attendre de sitôt à la résolution du conflit israélo-palestinien.
R. T.
(*) Professeur en relations internationales


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