Alors que l'Union africaine a décidé de geler le pays de son organisation, “jusqu'au retour de l'ordre constitutionnel”, les militaires au pouvoir depuis une semaine en Guinée-Conakry ont nommé un civil au poste de Premier ministre. Leur candidat avait été déjà pressenti pour ce même poste du vivant de Lansana Conté, quand le président autocrate avait dû accepter un chef de gouvernement proposé par les syndicats et l'opposition. Les putschistes ont frappé fort en choisissant Kabiné Komara, un haut responsable de la Banque africaine d'import-export. Domicilié au Caire, cet établissement avait été fondé il y a 14 ans pour développer les échanges commerciaux entre les Etats africains. La désignation de ce cadre connu par les milieux d'affaires africains suscite l'espoir que la junte au pouvoir respecte aussi ses autres engagements, dont la mise en place d'élections dans deux ans, et la lutte contre la corruption. La junte avait promis un Premier ministre civil. Le capitaine Moussa Camara, à la tête des putschistes, a invité des diplomates internationaux et des représentants de l'Union européenne et des Nations unies à Conakry la veille du nouvel an pour leur demander de revoir leur attitude dès lors que, selon lui, “dans l'histoire des coups d'Etat, pour la première fois, il n'y a pas eu de massacres et les membres de l'ancien gouvernement n'ont pas été menottés et humiliés”. “Pourquoi vous, l'Union européenne, nous condamnez ?”, s'est-il indigné face aux diplomates de l'UE. Quant à l'UA, le capitaine n'a pas jugé utile de lui répondre ! La junte, qui travaille à s'attirer les faveurs des pays de la région, a envoyé des représentants dans des pays proches, dont la Sierra Leone, où le dirigeant libyen Kadhafi est en visite. Les putschistes ont également lancé leur opération mains propres : des véhicules de l'Etat ont été récupérés auprès de hauts fonctionnaires de l'ancien régime et l'importateur de véhicule, M. Sylla, est de nouveau convoqué par la justice. Accusé de corruption, il avait été emprisonné à la fin de l'année 2006 pour avoir volé trois millions de dollars en gonflant artificiellement le prix des voitures vendues aux membres du gouvernement et en empochant la différence. L'ancien président Lansana Conté devait se rendre en personne dans la prison pour faire libérer Mamadou Sylla. Cet épisode avait suscité des manifestations sanglantes qui avaient failli renverser l'ancien président et l'avaient obligé à choisir un Premier ministre parmi une liste de trois candidats suggérés par les syndicats et les membres de l'opposition. D. B.