En fait, la nouvelle loi sur l'immigration ne s'applique pas à eux. Les Algériens restent soumis à l'accord bilatéral de 1968, amendé pour la dernière fois en juillet 2001. De l'avis même d'une source consulaire algérienne, cet accord est, par certains aspects, plus avantageux que la loi commune. Ce sont deux ingénieurs algériens en informatique. Arrivés il y a six ans en France avec un visa touristique, leur diplôme s'est révélé un précieux sésame pour entrer dans le monde du travail. Sans coup férir, ils ont été recrutés par une PME à laquelle ils sont aujourd'hui indispensables. Forts de ce prestige et du contrat d'embauche, nos deux ingénieurs sont pourtant toujours dans la clandestinité. L'administration française s'est montrée sourde à leurs démarches et refuse de leur accorder un changement de statut leur permettant de devenir des résidents réguliers, détenteurs de la précieuse carte de séjour. Profitant de la promulgation des nouvelles lois du président Nicolas Sarkozy qui entend favoriser l'immigration de travail, leur employeur tente de leur obtenir une régularisation par ce biais. La France a dressé une liste de 30 métiers hautement qualifiés accessibles aux ressortissants de pays tiers et une autre de 130 métiers moins qualifiés destinés aux citoyens de l'Union européenne. Appuyée par les autorités consulaires algériennes, l'entreprise entend faire passer ses deux ingénieurs dans le cadre des 30 métiers qualifiés. Elle explique même qu'elle risquait de fermer ses portes si ses deux cadres devaient la quitter. La démarche n'a toujours pas abouti. Une institution officielle française évoque même un risque de “sélection ethnique”. La Haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (Halde) a été saisie à ce sujet par la Cimade, un conseil œcuménique d'entraide, qui se bat pour les droits des immigrés. La Halde estime que la circulaire mettant en œuvre l'immigration de travail heurte le principe de non-discrimination à l'embauche, consacré par le code du travail. Elle se demande si les Algériens sont exclus de l'accès favorable à certains métiers. En fait, la nouvelle loi sur l'immigration ne s'applique pas à eux. Les Algériens restent soumis à l'accord bilatéral de 1968, amendé pour la dernière fois en juillet 2001. De l'avis même d'une source consulaire algérienne, cet accord est, par certains aspects, plus avantageux que la loi commune. Il permet aux sans-papiers algériens d'être régularisés après dix ans de présence ininterrompue sur le sol français. Ce qui n'est plus possible depuis 2003 pour les ressortissants des autres pays. L'accord reconnaît aussi la kafala qui ne correspond pas à l'adoption au sens du droit hexagonal. Alors que les Français eux-mêmes doivent affronter un maquis inextricable de textes pour pouvoir adopter un enfant, les couples algériens peuvent faire valoir la kafala s'il s'agit d'enfants algériens. La persistance de ces avantages ne semble plus convenir à la France qui souhaite une renégociation de l'accord en vue d'aligner les Algériens sur la loi commune. L'analyse n'est pas partagée par l'Algérie qui réclame plus d'avantages en raison de relations privilégiées façonnées par l'histoire et la géographie. Avec une position de deuxième pays francophone et une population en France de 4 à 4,5 millions de personnes, selon les estimations consulaires, l'Algérie entend défendre un statut privilégié. Elle plaide même pour la suppression du visa, au moins pour certaines catégories. Cette suppression, levée en 1896, est présentée comme un moyen de lutte contre l'immigration illégale. Assurés de rentrer en France à tout moment, les Algériens n'y resteraient pas dans la clandestinité, plaide-t-on. En tout cas, l'Algérie ne veut pas d'accord sur les flux migratoires à l'instar de celui qui a été signé avec le Gabon, le Congo et le Sénégal. Ni d'un accord comme celui qui est en négociation avec la Tunisie. Ce pays devrait fournir 13 000 cadres de haut niveau à la France qui a introduit une carte de séjour “talents et compétences” valable deux fois trois ans. Une durée au bout de laquelle ces cadres sont censés repartir dans leur pays qui ne se verrait pas ainsi vidé de sa substance intellectuelle. C'est ce titre de séjour qui est délivré aussi aux Algériens ayant trouvé un contrat à la fin de leurs études en France. L'obtention de diplômes en France est une voie royale pour y demeurer. À condition de faire le bon choix et de se dire que les études littéraires ne mènent quasiment nulle part. Dans l'attente de nouvelles clarifications, la circulation des personnes entre la France et l'Algérie obéira à l'accord de 1968. En son article 7, il stipule que “les ressortissants algériens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée reçoivent, après le contrôle médical d'usage et sur présentation d'un contrat de travail visé par les services du ministère chargé de l'Emploi, un certificat de résidence valable un an pour toutes professions et toutes régions, renouvelable et portant la mention “salarié”.” Comme dans le cas de nos deux ingénieurs, un contrat de travail délivré par une entreprise n'a pas de valeur juridique et ne donne pas droit à un certificat de résidence. Pour être valide, ce contrat doit être visé par le ministère du Travail après une procédure complexe. L'entreprise doit afficher le poste recherché pendant 60 jours et donner la preuve qu'il n'y a pas eu de candidat parmi les Français ou les immigrés réguliers. Dans un pays où il y a plus de 2 millions de chômeurs, autant dire que cela n'est pas possible. À moins qu'il s'agisse d'un métier rare par sa haute qualification, ou fui en raison de sa pénibilité. Même pour faire venir un employé d'une firme étrangère, l'entreprise doit se soumettre à la même démarche. En ces temps de délocalisation, les entreprises préfèrent s'installer en Asie et en Afrique en raison d'une main-d'œuvre à bon marché. Faire venir des employés étrangers avec tous les coûts que cela implique est une option rédhibitoire. Dans le cas de métiers pénibles ou saisonniers comme la pêche ou l'agriculture, la France a passé des contrats avec certains pays. Encore que les travailleurs reçoivent un visa et non une carte de résidence. Des Marocains viennent d'obtenir gain cause auprès de la justice. Embauchés chaque année pour des périodes de six mois, certains se voyaient prolonger le séjour jusqu'à 8 mois au mépris de la loi. Nombre d'entre eux ont travaillé ainsi pendant 25 ans, passant la majeure partie de leur vie en France. La justice a ordonné à l'administration la délivrance de certificats de résidence. Les artistes algériens bénéficient d'un statut particulier obtenu avec le dernier avenant de l'accord bilatéral. “Les artistes-interprètes algériens tels que définis par la législation française ou les auteurs algériens d'œuvres littéraires ou artistiques au sens de la législation française, titulaires d'un contrat de plus de 3 mois avec une entreprise ou un établissement dont l'activité principale comporte la création ou l'exploitation d'une œuvre de l'esprit, reçoivent un certificat de résidence valable un an portant la mention “profession artistique ou culturelle”.” Alors, pressez vos neurones ou convoquez vos muses. À défaut d'accrocher un éditeur ou un producteur, vous pourrez toujours séduire une âme sœur. Même de plus en plus difficile, le mariage reste une voie privilégiée pour s'établir en France. A. OUALI