Réflexion d'étape, nouvelle stratégie économique, autant de ripostes aux effets de la crise mondiale préconisées lors des journées d'étude sur le rôle de l'Etat et son intervention dans les économies nationales organisées hier à Alger. Si la crise financière internationale a, jusque-là, épargné l'Algérie, parce que déconnectée de la finance internationale, son économie sera-t-elle affectée par le ralentissement économique mondial à travers la contraction de la demande et de la baisse des prix des hydrocarbures ? Les pouvoirs publics semblent vouloir écouter, et ce n'est pas une mauvaise chose, l'avis des économistes. C'est du moins ce qui ressort des travaux des journées d'étude sur “le rôle des Etats et leur intervention dans les économies nationales”, organisées, depuis hier à Alger, par l'Assemblée populaire nationale en collaboration avec le ministère de l'Industrie et de la Promotion des investissements, en présence de plusieurs économistes algériens et étrangers, des opérateurs, des parlementaires et des syndicalistes. Le président de l'APN, M. Abdelaziz Ziari, dans son allocution d'ouverture a déjà planté le décor. “Si l'Algérie n'est que peu affectée par la crise financière au regard de la nature encore embryonnaire du marché des valeurs boursières dans notre pays, l'impact de cette crise sur l'économie réelle des pays industrialisés avec lesquels s'opère l'essentiel de notre commerce à l'international affecte nécessairement le produit de nos échanges, ce qui n'est pas, comme nous commençons à le subir, sans risque pour le financement de nos programmes en cours et de nos desseins d'avenir”, a relevé le président de l'APN. C'est aussi l'avis du professeur Farid Yaïci, doyen de la faculté des sciences économiques à l'université de Béjaïa, qui souligne que “les réserves de change accumulées, un notable Fonds de régulation de recettes, un excédent de liquidités de banque et un faible niveau de dette extérieure permettront, pour au moins deux ans, à l'économie algérienne de faire face aux effets de la crise économique mondiale”. M. Yaïci relève que les réserves de change se sont élevées à 138,5 milliards de dollars à fin novembre 2008, le Fonds de régulation des recettes a atteint 68 milliards de dollars et les excès de liquidités de banque sont évalués à 39 milliards de dollars ; en parallèle, la dette extérieure n'est que de 4 milliards de dollars. “Les principales vulnérabilités de l'économie algérienne sont dues essentiellement à un produit intérieur brut (PIB) à prédominance d'hydrocarbures, un commerce extérieur extraverti avec une quasi-monoexportation assise sur les hydrocarbures et la dépendance des recettes de l'Etat à la fiscalité liée aux hydrocarbures”, souligne le doyen de la faculté des sciences économiques de l'université de Béjaïa. La part des hydrocarbures dans la formation du PIB représente 44% en 2007, 98% des exportations. Les recettes de l'Etat pour la même année proviennent à hauteur de 76% des hydrocarbures. Du coup, une baisse drastique des prix des hydrocarbures pourrait se traduire par une chute considérable des recettes d'exportations du pays, une réduction de la capacité d'épargnes budgétaires, un amenuisement des réserves de change et un tarissement du Fonds de régulation des recettes et de l'épargne accumulé. “Une baisse de 50% des prix d'hydrocarbures réduirait de moitié les recettes d'exportations, d'un tiers les recettes budgétaires de l'Etat et d'un quart le produit intérieur brut de l'Algérie”, relève M. Yaïci. En outre, la baisse des taux d'intérêt sur les marchés internationaux réduirait le taux de rendement des réserves de change placées. “Si le manque à gagner dû à la baisse des recettes des hydrocarbures n'est pas compensé par des revenus hors hydrocarbures, il faut s'attendre à une dégradation du produit intérieur brut, une baisse de volume des investissements et un impact négatif sur l'emploi”, avertit le doyen de la faculté des sciences économiques à l'université de Béjaïa. Le tableau n'est pas totalement sombre, le professeur Yaïci parle de marge de croissance de l'économie algérienne. Au volume exporté du pétrole brut évalué à 1,2 million de baril en 2008, appelé à croître dans le futur dans un contexte de relance économique mondiale, vont s'ajouter les exportations du gaz naturel estimées à 85 milliards de mètres cubes en 2012, contre un volume exporté aujourd'hui de 62 milliards de mètres cubes par an. “Des simulations de revenus effectuées par le ministère de l'Energie et des Mines, sur le très long terme, montrent que l'Algérie dispose suffisamment de pétrole et de gaz pour réaliser des recettes de 55 milliards de dollars par an, jusqu'à 2040, en supposant que les prix restent au niveau de ceux de 2007”, a indiqué M. Yaïci. Quelle est aujourd'hui la réponse algérienne à la crise ? Le P-DG de l'Insim, M. Abdelhak Lamiri, en marge de la rencontre, suggère de changer radicalement de politique économique et de privilégier les véritables facteurs-clés de succès d'une économie : privilégier les dépenses en vue d'améliorer qualitativement les qualifications humaines, moderniser le management institutionnel et orienter les ressources vers la création d'un tissu de PME/PMI moderne (au moins 500 000). La crise, affirme le président de l'APN, “doit en tout cas susciter une réflexion d'étape sur ce que devraient être ou continuer à l'être les politiques publiques dans les domaines les plus névralgiques, sur le rôle de l'Etat dans les économies nationales d'une façon générale et celui de l'Etat algérien en particulier”. meziane rabhi