Le Centre national de toxicologie (CNT) et l'OMS ont mené conjointement, depuis 2001, une étude, première du genre en Algérie, sur l'impact de la pollution par les métaux lourds, en l'occurrence le plomb (Pb) et le cadmium (Cd) sur la santé des populations au niveau du Grand-Alger. Les résultats préliminaires nous ont été fournis. Ils sont significatifs. L'évaluation des teneurs dans le sang de ces deux substances toxiques a concerné les populations ciblées de deux zones, à savoir Alger-Centre (zone très urbanisée) et Rouiba (zone industrielle). Cette étude de recherche se démarque, pour rappel, du fait qu'elle s'intéresse à d'autres polluants. “Avant, on s'intéressait aux polluants classiques comme les SOx, les NOx et l'ozone. Notre étude a la particularité de s'intéresser aux polluants particulaires”, souligne le Dr Abdi, responsable au CNT et co-auteur de l'étude en question. La pollution par les métaux lourds en général et par le plomb et le cadmium en particulier, est connue pour avoir des impacts néfastes sur l'environnement et sur les populations du fait de leur non biodégradabilité. Ces deux éléments ont une bioaccumulation (se concentrent dans l'organisme), avec une toxicité avérée. Le Pb et le Cd, ajoute le Dr Abdi, sont utilisés comme des traceurs (indicateurs) de pollution. En effet, la source majeure du Pb dans l'atmosphère est à 95% inhérente à l'automobile, voire aux véhicules motorisés qui utilisent de l'essence plombée. Les sources anthropiques sont liées aux émissions du Pb inorganique dans l'atmosphère suite à la combustion du Pb tétra-éthyle utilisé comme additif dans les carburants et aux émissions provenant des industries chimiques et des activités minières. Le Pb libéré dans l'atmosphère est une source majeure de contamination environnementale. D'autant que les particules de cette substance peuvent être transportées sur des distances considérables – des milliers de kilomètres – avant d'être déposées via les précipitations, rapportent les chercheurs. Quant au Cd, il a pour sources anthropiques les rejets des industries métallurgiques, chimiques, les centrales thermiques, mais aussi l'élimination des déchets solides et le transport. C'est pourquoi, est-il précisé, l'étude toxicologique dirigée par le Pr Alamir, chef de service toxicologie au CNT, a eu pour objectifs de mesurer les indices d'impact, l'évaluation des facteurs de risque et la constitution d'une base de données en vue de constituer une surveillance. Les risques toxicologiques dus au Pb et au Cd vont des atteintes hépatiques, aux atteintes cardiovasculaires en passant par les lésions au niveau du système nerveux central, cela sans compter les pouvoirs mutagènes et cancérogènes (toxicité chronique), pour le premier, aux troubles gastro-intestinaux et pulmonaires en passant par le risque de cancérogénicité pour le second (le Cd). Les populations d'Alger-Centre (1 200 personnes et 282 ménages) et de Rouiba (1 250 personnes et 229 ménages), sélectionnées dans le cadre de cette étude scientifique, ont fait l'objet d'une enquête par interview suivie par des prélèvements sanguins et urinaires (analyses biologiques et toxicologiques). À Alger, la moyenne d'âge relevée est de 36 ans. Elle est de 31 ans à Rouiba (population périurbaine plus jeune). En revanche, dans cette localité, 58% des enquêtés sont des femmes. L'enquête toxicologique a révélé, en outre, que le taux de fer sérique (entrant dans la toxicité par le Pb) est plus élevé à Rouiba. Les résultats préliminaires par métaux ont également révélé une plombémie (taux de Pb dans le sang) supérieur à Alger – autour de 120 (116 microgrammes par litre) contre 83 à Rouiba. Les chercheurs, partant du principe que les résultats de l'enquête sont préliminaires, ne se veulent pas alarmistes. Ils font, toutefois, la comparaison avec d'autres villes comme la France où la plombémie est de 60 microgrammes par litre et d'autres pays comme les USA où elle est de 30 microgrammes/l ! “Ce qui est certain, c'est que même si le taux est relativement normal, il reste important et la source majoritaire est sans conteste l'existence de plomb dans l'essence, même si les facteurs de risque, comme le vieux bâti, l'habitat précaire, le tabagisme, etc. contribuent d'une façon significative à l'augmentation de la plombémie”, conclut notre interlocuteur. Le problème de cette pollution par le Pb est relatif à la chronicité (effets à long terme). Pour le CD, c'est à Rouiba que le taux dans le sang est plus important. Les résultats sont logiques, Rouiba étant la zone industrielle par excellence. Toutefois, face à des résultats préliminaires et en l'absence de données exhaustives, les chercheurs attendent d'approfondir l'enquête avant de se prononcer. Il y a quand même matière à réflexion. Nahla Rif