Un match de foot haut en couleur, une promenade et de l'équitation en prime. Tel a été le programme de la journée que les filles des deux centres de réinsertion ne sont pas près d'oublier de sitôt. En dehors de deux fourgons qui viennent de franchir son seuil en ce début de matinée de janvier, l'Ecole de Police de Soumaâ est plongée dans un calme olympien. La bruine qui arrose soigneusement les espaces verdoyants cadrant harmonieusement avec les monts de Chréa comme horizon lui confère une place privilégiée dans toute la région. C'est dans ce cadre déstressant justement qu'une trentaine de détenues des établissements de réinsertion sociale d'El Harrach et de Boufarik, discrètement encadrées, a eu à évoluer durant toute une journée organisée à leur profit par l'association Ouled El Houma, présidée par Abderrahmane Bergui sous l'égide du ministère de la Justice et le concours inestimable de la DGSN qui a mis à leur disposition les infrastructures sportives et de loisirs de l'Ecole de Police de Soumaâ. Le directeur de l'école, le divisionnaire Aissa Belaib recevant les détenues dans une ambiance bon enfant leur annonce qu'elles pouvaient tout au long de cette journée disposer des loisirs à leur guise, y compris monter à cheval si elles le désiraient. Ce qui n'a pas manqué de susciter de joyeuses réactions exprimées par des applaudissements et des youyous. Entamant l'objet essentiel de cette sortie récréative pour le moins inespérée, une rencontre de football en salle est programmée. Rien n'est laissé au hasard pour le match au sommet opposant les Boufarikoises en tenue locale orangée et les Harrachies dans le sacré jaune des “Kawassir”. Et ce n'était pas la volonté qui faisait défaut tant la partie a démarré en trombe pour les deux camps qui, tout en s'affrontant, ont donné à l'assistance une leçon de fair-play à faire rougir de honte les clubs de première division. À chaque but des youyous fusent des bancs de touche garnis de supporters d'un autre genre. Des femmes d'un âge respectable aigries pourtant par les vicissitudes de la vie mais qui n'ont pu résister à la tentation du diable. Alors que la partie suit son cours, nous profitons pour faire un brin de causette avec quelques-unes d'entre elles. Malika, 50 ans, en paraît beaucoup plus. Elle n'a jamais connu le bonheur. Son étoile, comme elle le dit, s'éteint le jour où elle devient orpheline. A l'âge où on s'accroche encore aux jupons de sa maman. La vie ne lui sourira jamais. La rencontre d'un quidam l'unira à lui le temps de faire trois enfants avant la grande galère. Les besoins de la famille la contraignent à tous les boulots. Au dernier, elle est chargée du ménage chez une dame aisée. “Une fois, alors que je m'empressais de terminer mes tâches, mon regard s'est posé sur un bracelet et des boucles d'oreilles en or. Après une longue hésitation, la tentation a fini par me convaincre que c'était une occasion pour acheter des médicaments pour mon fils asthmatique. Le bijoutier m'offre à peine 16000 dinars. La justice m'a condamnée à 16 mois de prison, soit un mois pour mille dinars. Vous vous rendez compte ?! Normalement, je serai libre cet été Incha'Allah. Pour ce qui est des conditions de détention, on n'a pas à se plaindre. Nous sommes bien traitées et les visites régulières de nos proches nous réconfortent”, raconte-elle. Sa codétenue, du même âge, moins malheureuse sur le plan familial soutient être victime d'erreur judiciaire. Elle est accusée à tort par la dame qui l'employait comme femme de ménage de lui avoir volé la coquette somme de 200 millions de centimes. La même peine que sa compagne de cellule. Elle s'en remet, dit-elle à la justice divine en attendant de purger sa peine dans six mois. Une autre, 29 ans, dans des circonstances similaires à la première reconnaît avoir subtilisé 10 millions de centimes à sa patronne avec la complicité de son petit ami. Le juge la condamne également à 16 mois de prison. Pour la majorité des détenues, la question d'argent est le mobile du crime et la causalité reste la situation de précarité sociale dont elles souffrent toutes. La journée organisée à leur profit est venue en quelque sorte leur faire oublier leurs conditions de défavorisées dans un espace appartenant à des policiers qu'elles ne regarderont pas foncièrement comme des ennemis mais plutôt comme des représentants de la loi et qu'au-dessus de toute considération, ce sont des êtres humains avec leurs forces et leurs faiblesses. En attendant d'autres actions dans ce sens, l'association Ouled El Houma est à saluer. ALI FARÈS