La question se pose, d'autant plus que le nouveau président américain semble animer du souci de mettre les pendules à l'heure, réitérant sa promesse électorale de prendre langue avec tous ceux qui n'aiment pas les Etats-Unis et même leurs ennemis. S'agissant des Palestiniens, Obama vient même de répéter à la chaîne Al Arabia sa détermination de s'ouvrir au monde musulman, soulignant que dans cette perspective, la résolution de la question palestinienne était la priorité des priorités et la clef de la normalisation entre le monde musulman et les Américains. Cette position a le mérite d'être diamétralement opposée à l'attitude du président Bush qui s'est mis au service exclusif des Israéliens allant jusqu'à fouler son propre plan de remise en route des négociations israélo-palestiniennes scellé en 2007 à Annapolis, une ville américaine à un jet de pierres de Washington. En choisissant George Mitchell comme émissaire pour le Moyen-Orient, Obama a envoyé un signal clair : son Administration va chercher activement un règlement le plus équitable possible. Mitchell, qui se trouve dans la région du Moyen-Orient, a été préféré à deux autres candidats, l'ex envoyé spécial de Bill Clinton, Dennis Ross, et l'ancien ambassadeur américain en Israël, Daniel Kurtzer. Obama les a rejetés tous les deux car considérés comme particulièrement pro-israéliens. La nomination de l'un ou de l'autre aurait été mal reçue par les Palestiniens et après la guerre de Gaza, elle aurait été considérée même comme une provocation. Mitchell est un diplomate extrêmement habile, selon diverses sources. Il a été l'artisan de la paix en Irlande du Nord entre catholiques et protestants mais l'ancien sénateur, dont la mère était libanaise, connaît très bien la région du Moyen-Orient où il est jugé comme impartial. Pour preuve, son rapport qu'il a remis en avril 2001 à la Maison-Blanche et à l'Onu sur les causes de la seconde Intifadha et sur les moyens à mettre en œuvre pour arrêter les violences. Ce document, commandé par Bill Clinton et confié à son successeur, George Bush, est un modèle d'impartialité. En voici un extrait particulièrement éclairant : “Des Israéliens semblent ne pas comprendre l'humiliation et la frustration que les Palestiniens doivent endurer chaque jour du fait de vivre sous l'effet permanent d'une occupation, accentuée par la présence de forces militaires israéliennes et de colonies, ni la détermination des Palestiniens à acquérir leur Indépendance et une véritable autodétermination.” À Washington, il se trouvera certainement des voix pour rappeler à Obama que les Etats-Unis ne peuvent pas avoir des contacts avec le Hamas tant que l'organisation islamiste ne reconnaîtra pas Israël, n'aura pas renoncé à la violence et n'aura pas reconnu les accords passés entre l'Etat hébreu et l'OLP. Mais, il y a aujourd'hui les exigences de la réalité. La guerre de Gaza a révélé que si l'on veut réellement relancer le processus de paix entre Israéliens et Palestiniens, il faut prendre en compte la donne Hamas, dont la légitimité sur le terrain ne fait pas de doute et qui est donc, que cela plaise ou non, un interlocuteur incontournable. De plus en plus de voix s'élèvent en Occident, y compris aux Etats-Unis, pour que le boycott diplomatique qui frappe Gaza soit levé, d'une manière ou d'une autre. L'Union européenne est, pour sa part, prête à faire le pas, à condition que l'Autorité palestinienne soit préservée. Dans une déclaration, le Quai d'Orsay laissait entendre que la France était prête à discuter avec le Hamas ! En outre, et pour revenir aux Etats unis, un expert du prestigieux “Council on Foreign Relations”, Richard Murphy, a plaidé que l'Amérique traite avec le Hamas. De même que l'ancien secrétaire d'Etat de Bush père, James Baker, qui fut l'un des artisans du rapprochement entre l'OLP et Israël et de la conférence de Madrid, qui a écrit dans Newsweek : “On ne peut pas négocier la paix avec seulement la moitié des Palestiniens à la table. Je suggère une approche qui ressemblerait à celle que nous avons utilisée et qui a conduit à la conférence de Madrid de 1991.” James Baker a rappelé que son pays, pour ne pas parler directement avec l'OLP, qui, comme dans le cas de Hamas aujourd'hui, était une organisation terroriste, avait négocié avec des Palestiniens issus des territoires et qui tous prenaient leurs ordres d'Arafat à Tunis. Grand spécialiste de la politique étrangère américaine, le démocrate Steve Clemons, proche de la nouvelle Administration, croit, lui, savoir qu'après une série de contacts secrets, Hillary Clinton et George Mitchell vont essayer de créer un cadre multipartite qui comprendra tous les acteurs de la région, y compris Hamas. C'est un scénario des plus probables. En attendant, il est toujours à se demander pourquoi n'entend-on personne poser comme préalable à tout contact avec Israël, que ce pays accepte les résolutions de l'ONU et accède, par exemple, à la demande du tribunal de La Haye de détruire les parties de son mur qui empiètent sur la ligne verte la frontière de 1967. Cela montre bien à quel point les puissances internationales assurent à Israël une totale impunité et le droit indéfectible de fouler l'ONU aux pieds. Jusqu'à quand ? D. Bouatta