«On ne choisit pas entre la peste et le choléra». Jacques Duclos, (ancien premier secrétaire du Parti communiste français) 5.278.985 électeurs israéliens, âgés de 18 ans et plus et ayant le droit de vote, sont appelés aux urnes ce mardi 10 février 2009 pour élire les députés qui formeront la 18e Knesset. De plus, trois candidats briguent le poste de Premier ministre: Ehoud Barak, le leader du Parti travailliste et ministre de la Défense; Tzipi Livni, actuelle ministre des Affaires étrangères et leader de Kadima; Benyamin Netanyahu, chef de l'opposition et leader du Likoud. Traditionnellement, le leader du parti qui obtient le plus de sièges devient chef du gouvernement. Pas moins de 40 partis se présentent aux élections anticipées du 10 février, organisées selon un mode de scrutin proportionnel intégral et de circonscription unique, qui favorise les petits partis. Les trois principaux partis sont le Likoud, nationaliste et conservateur, du chef de l'opposition Benyamin Netanyahu (24% d'intentions de vote); Kadima, le parti de centre droit de la ministre des Affaires étrangères Tzipi Livni (20%); le Parti travailliste du ministre de la Défense Ehoud Barak (13%). Les deux partis religieux ultraorthodoxes (Shas, séfarade, et Judaïsme de la Torah, ashkénaze) sont crédités d'un total de 13% des suffrages. Bien que la minorité arabe représente 20% de la population israélienne, les partis arabes ne devraient pas obtenir plus de 8% des suffrages Le leader d'Israël Beiténou («Israël est notre maison»), Avigdor Liberman, est une énigme de la politique israélienne. Les derniers sondages lui accordent quelque 18 sièges lors du prochain scrutin. Le Kadima de Tzipi Livni arrivait mardi soir légèrement en tête, il obtient 30 sièges à la Knesset (Parlement), contre 28 pour le Likoud. Néanmoins, avec le soutien de l'extrême droite d'Avigdor Liberman arrivé en troisième position et des formations religieuses, M.Netanyahu apparaît en meilleure position pour former une coalition gouvernementale. Et l'Iran? Tzvi Barel de Ha'Aretz s'est interrogé sur la capacité du nouveau gouvernement dans le domaine international: pour lui le problème n°1 est l'Iran. Il écrit: «Le nouveau gouvernement israélien devra élaborer une stratégie face aux offres de dialogue faites par le président américain Barack Obama à l'Iran. Comment réagira le prochain Premier ministre à l'ouverture d'un dialogue direct entre l'Iran et les Etats-Unis? Mobilisera-t-il tous les lobbyistes de Washington et organisera-t-il des manifestations devant la Maison-Blanche? Ou apportera-t-il plutôt son soutien à cette initiative? Il est aisé de prendre des décisions contre un ennemi [le Hamas] qui se résume en une poignée de lanceurs de roquettes fondus dans une population civile vulnérable. (..) Les déclarations du président Barack Obama, de sa secrétaire d'Etat [Hillary Clinton] et des plus hauts responsables militaires américains indiquent que l'iceberg placé par George W.Bush face à l'Iran commence à subir les effets du changement climatique. L'Iran est un partenaire potentiel dans la guerre contre le terrorisme, estiment-ils, et, vu que les Etats européens entretiennent, par ailleurs, toujours des relations diplomatiques avec Téhéran, la nouvelle stratégie américaine en cours de formulation suppose également le rétablissement de relations avec la Syrie (...). Le Premier ministre sera-t-il capable de considérer la nouvelle politique américaine davantage comme une opportunité que comme une menace et parviendra-t-il à éviter à Israël un choc frontal avec l'administration démocrate?»(1) A une semaine du scrutin, Maariv a interrogé les leaders des trois principaux partis: L'objectif des négociations avec les Palestiniens est-il la création d'un Etat palestinien? Pour Nétanyahu, l'objectif des négociations, c'est d'assurer la sécurité d'Israël. La seule façon d'y parvenir est de renforcer notre puissance militaire. Pour Livni: seule la création de deux Etats-nations peut garantir la pérennité d'Israël en tant qu'Etat juif et démocratique. Israël doit être reconnu comme le foyer national du peuple juif et l'Etat palestinien sera le foyer national des Palestiniens, y compris leurs réfugiés, qui ne pourront en aucun cas rentrer en Israël. Enfin, Barak pense qu'il faut entamer des négociations franches avec nos voisins arabes et tenter d'imposer notre vision de la paix à toute la région. L'enjeu est de négocier, avec l'ensemble du monde arabe, des accords militaires et diplomatiques et prévoir un volet économique. S'agissant de Jérusalem, là aussi unanimité. Nétanyahou pense: tout accord avec les Palestiniens ne devra porter que sur une reconstruction de leur économie. Pour Livni: Israël ne cédera jamais sur Jérusalem ni sur la souveraineté israélienne sur les Lieux Saints, lesquels symbolisent le lien historique et national du peuple juif avec ce pays. Enfin, pour Barak: Jérusalem est un dossier qu'il faudra négocier. C'est la capitale d'Israël. S'agissant de la création d'un Etat palestinien, la réponse de Nétanyahu est sans équivoque: «Nous n'avons pas l'intention, dit-il, de dominer éternellement les Palestiniens, mais ils ne pourront hériter que de compétences limitées pour gérer leurs propres affaires.» Pour Livni: un accord de paix impliquant la création de deux Etats pour les deux peuples est d'une importance primordiale pour Israël. Enfin, Barak résume: c'est un objectif essentiel. Si nous voulons garantir le caractère juif de l'Etat d'Israël, il faut parvenir à un accord basé sur le principe «Deux peuples, deux Etats». On le voit, la stratégie des trois leaders, est loin du rêve d'un Etat palestinien viable.(2) De plus, il est annoncé que l'Etat d'Israël sera un Etat juif, en clair il n'y aura pas d'Arabes. Avigdor Liberman pose le problème des Arabes d'Israël qui ont manifesté contre l'Etat pendant l'opération «Plomb fondu». Liberman pose crument la question de la loyauté de la minorité arabe du pays envers l'Etat d'Israël. Pour lui, les Arabes israéliens doivent choisir: rester Israéliens et faire preuve de loyauté envers l'Etat, ses institutions et son gouvernement, ou devenir Palestiniens et déménager vers les territoires. Selon lui, les Arabes d'Israël ne peuvent plus avoir le beurre et l'argent du beurre. Faut-il craindre à plus ou moins long terme une revendication d'autonomie des Arabes d'Israël, par exemple en Galilée où ils sont aujourd'hui près de 50% de la population? Pour Liberman, la réponse est affirmative. Les Arabes du pays sont peut-être le cheval de Troie des Palestiniens. Naîf! Abou Mazen qui déclare le 8 février qu'il est prêt à discuter avec le nouveau Premier ministre israélien. Nous avons vu la position de chacun. Si un jour un Etat palestinien naîtra sur les quelques pourcentages qui restent, nul doute que non seulement le droit au retour des Palestiniens de la diaspora ne sera plus qu'une vue de l'esprit, mais de plus, les Arabes israéliens seront «invités» à quitter Israël -Etat dit démocratique et laïc- vers l'hypothétique Etat croupion palestinien: une deuxième Nekba en perspective. On comprend l'empressement des Occidentaux -Européens en tête- à prôner hypocritement la solution de deux Etats. Reste Jérusalem. En fait, ce qu'il en restera pour les Palestiniens, sera les terres ingrates maintenant que la colonisation a pris par la force les terres d' Abou Ghnim. Israël sera toujours en danger de paix à force de regarder vers l'ouest, car il s'est coupé de ses voisins immédiats. Il est impossible qu'il ait un avenir au milieu de 300 millions d'Arabes quand bien même il arriverait par son potentiel nucléaire à carboniser la moitié, il en restera la moitié. Les Etats-Unis se lasseront un jour de ce parti pris en leur faveur. Le temps joue en défaveur des Israéliens qui tiennent, en plein vingtième siècle, à avoir un Etat juif pur par pur racisme. De plus, Israël ne pourra pas continuer longtemps à défier la communauté internationale. Les derniers carnages de Ghaza, la punition des Libanais, commencent à fissurer le fonds de commerce constitué par l'industrie de l'holocauste, comme l'écrit si bien le professeur Norman Finkelstein dont les parents sont morts à Auschwitz. Une chance pour Israël John Mearsheimer de l'université de Chicago et Stephen Walt de Harvard dans un livre remarquable «Le lobby israélien et la politique étrangère américaine», ont décrit l'influence du lobby sioniste aux Etats-Unis. Ce livre relance la question du rôle des Etats-Unis au Moyen-Orient. Les auteurs estiment que le soutien à Israël n'est pas basé sur des raisons stratégiques ou morales, mais s'explique par la pression des lobbys sionistes. Cela a pour conséquence, selon MM.Mearsheimer et Walt, une politique américaine déséquilibrée au Moyen-Orient qui a conduit à la décision d'envahir l'Irak et de menacer l'Iran et la Syrie, au prix d'une sécurité fragilisée pour le monde occidental. «Israël n'a pas le poids stratégique que les Etats-Unis mettent en avant. Selon les deux professeurs, «soutenir le traitement infligé aux Palestiniens par les Israéliens a renforcé l'anti-américanisme dans le monde et a presque certainement aidé les terroristes à recruter de nouveaux volontaires». Mearsheimer et Walt soulignent l'aide militaire et économique de trois milliards de dollars reçue chaque année par Israël - soit plus que tout autre pays. Ils notent aussi le soutien diplomatique apporté par Washington: entre 1972 et 2006, les Etats-Unis ont mis leur veto à 42 résolutions du Conseil de sécurité de l'ONU qui critiquaient la politique d'Israël. La réaction à l'étude de l'université de Harvard s'est manifestée par la colère du Lobby et de ses partisans - et la rétrogradation de Walt, qui, comme cela a été annoncé peu de temps après la publication de l'article, sera viré de son poste de doyen (universitaire) de la John F.Kennedy School of Government. Jeudi 30 août 2007 IRIB Par ailleurs, les Chrétiens Unis pour Israël, (Christians United For Israël - CUFI) du Pasteur John Hagee, ont commencé à agir à la déclaration de l'ancien président Jimmy Carter, lorsqu'il a dit en 1977 que les Palestiniens avaient besoin d'une patrie. Les CUFI qui disent qu'il veulent éduquer «la communauté chrétienne...sur les raisons bibliques pour lesquelles les Chrétiens doivent soutenir Israël» Quel que soit le Premier ministre élu (e), la politique israélienne est la même. On a pensé un moment qu'avec Rabin, il y avait enfin une solution. On sait comment il a terminé. Le Parti travailliste a voulu avoir des sièges, le prix à payer a été 1300 Palestiniens morts dont 400 enfants. Il s'est définitivement sabordé. L'heure est plus que jamais à la fuite en avant. Aucun des leaders n'a le charisme nécessaire pour permettre à Israël d'avoir sa place et rien que sa place au Moyen-Orient. Dans tout cela, le problème d'Israël est que sa politique est une continuelle fuite en avant. La société israélienne est divisée et si les Israéliens de «la paix maintenant» n'arrivent pas a émerger, il n'empêche que, de plus en plus d'Israéliens, notamment des intellectuels, dénoncent la barbarie du pouvoir. Les Arabes israéliens chrétiens et musulmans peuvent constituer une chance pour Israël si elle ne les expulse pas, comme le propose Liberman. Le metteur en scène et dramaturge israélien, Yossi Alfi, 63 ans, né à Bassorah en Irak, estime dans les pages du quotidien Yediot Aharonot que la société israélienne a compromis son avenir en se coupant de ses langues maternelles en général et de la langue arabe en particulier. «Ce n'est que beaucoup plus tard, écrit-il, quand j'ai su que le Moyen-Orient était un endroit d'où je ne partirais jamais, que j'ai compris que la langue arabe était d'une importance essentielle, en particulier pour nous, Israéliens. Certains de nos ancêtres ont produit des classiques de la poésie et de la littérature arabes. De grands penseurs du judaïsme comme [les philosophes andalous] Salomon ibn Gabirol [1020-1058] et Maïmonide [1135-1204], ont écrit la plupart de leurs textes et de leurs poèmes en arabe. D'autres de nos ancêtres ont vécu parmi les Arabes, ici, en Palestine. Et il arrive encore que les plus vieux d'entre nous regardent un film égyptien les soirs de shabbat. Mais que nous réserve l'avenir? Le mur qui nous sert de frontière est si épais et si haut qu'il n'y a plus qu'à regarder vers l'ouest. Hélas, l'apprentissage de la langue arabe vient d'être définitivement rayé de nos programmes scolaires. Ce faisant, nous nous sommes définitivement exclus du Moyen-Orient. Comment pouvons-nous imaginer un instant faire la paix avec nos voisins sans daigner connaître leur langue? Comment pouvons-nous imaginer faire la paix avec nous-mêmes sans daigner comprendre la langue de nos parents? Comment pouvons-nous imaginer vivre en paix avec notre environnement si nous ne manifestons que du mépris envers sa langue?»(3) Igal Sarna ne pense pas autrement quand il écrit: «Il ne se passe pratiquement pas de semaine sans que les déclarations tonitruantes de responsables de droite sèment chez vous le trouble et l'inquiétude (...). Après que le problème palestinien aura été résolu de la meilleure façon possible, grâce à nos hélicoptères Apache, nos liquidations, nos retraits unilatéraux, notre muraille [le mur de séparation], notre clôture et nos raids préventifs, il nous restera encore à résoudre le problème d'entre les problèmes: votre problème, celui de ce million et demi de citoyens israéliens musulmans et chrétiens qui vivent parmi nous. Vous restez une cinquième colonne, un cancer, un cheval de Troie (...) Vous qui, malgré tout cela, vous vous accrochez ici. Parfois, je me prends à croire qu'il faut que vous soyez juifs quelque part. Cette retenue, plût au Ciel que vous puissiez la transmettre aux Israéliens, vous dont les villages et les lieux de vie rappellent souvent que vous êtes quelque part les anciens Israéliens, les Israéliens d'origine. Quand je pense, frères Arabes d'Israël, à ces noces aussi interminables qu'équivoques, je sais que jamais vous ne partirez. Si nous avons de la chance, nous survivrons ensemble. Si la chance nous abandonne, nous tomberons ensemble.»(4) (*) Ecole nationale polytechnique 1.Tzvi Barel Ha'Aretz.Israël: Ce que fera (ou non) le futur Premier ministre: Courrier international 9 févr. 2009 2.Israël: La sécurité, priorité électorale numéro un. Propos recueillis par Merav David Maariv 3 févr. 2009. Courrier international 5 février 2009 3.Israël parle arabe. Yossi Alfi. Yediot Aharonot, Courrier international août 2008 4.Igal Sarna: A nos ancêtres, les Arabes. Un hommage signé, l'un des grands écrivains juifs contemporains. Yediot Aharonot. Courrier international. n°913-30 avr. 2008