Les annonces se succèdent : Bouteflika fera part de sa candidature le 5 février et l'élection présidentielle aura lieu le 2 ou le 9 avril. Le débat concernant les questions de dates, d'échéances, de candidatures, de modalités électorales, de surveillance du scrutin se réduit pourtant à un dialogue entre le pouvoir et la presse. Les Algériens, eux, savent déjà tout ; ils connaissent le nom de leur prochain Président depuis la nouvelle de la révision constitutionnelle. Parce qu'ils savent le sens pratique de leurs dirigeants, ils savent aussi que la Constitution a été triturée non pour asseoir le droit du peuple à conserver indéfiniment les mêmes gouvernants, mais pour qu'elle légalise une opération précise. Il sera donc laborieux de présenter une formalité sans risques comme un processus démocratique farci d'enjeux. On le voit, toutes les institutions sont mobilisées pour convaincre qu'il s'agit… d'une élection : il y aura, nous dit-on, des observateurs, de la transparence et même des candidats. Enfin d'autres… candidats. Mais des candidats que personne n'a appelés à se présenter. D'ailleurs, ici, la question se pose : pourquoi s'émouvoir que Saïd Sadi ne se présente pas et trouver naturel que Belkhadem, Ouyahia et Soltani ne se présentent pas non plus ? À notre connaissance, personne ne les en a empêchés. La question s'adresse aux militants du FLN, du RND et du MSP : pourquoi trouvent-ils plus judicieux de voter pour un candidat indépendant doté d'un programme personnel, éliminant d'emblée le leader organiquement élu du parti ? La question se pose d'autant plus légitimement que les espaces respectifs qu'ils occupent dans l'échiquier politique en font des creusets naturels de candidats aux plus hautes fonctions de l'Etat. La question se pose parce que l'expérience de la démocratie a montré l'utilité des “primaires”, même dans une alliance, et qu'elle s'avère d'un grand intérêt démocratique quand elle se pratique à l'intérieur même des formations politiques. C'est là l'aveu concret d'un fonctionnement non démocratique des institutions : les formations politiques majoritaires, et qui donc auraient une chance de gagner et de mettre en œuvre leurs idées, contiennent leurs naturelles ambitions et appellent, comme le fait clairement Belkhadem, les “opposants” à se porter candidats ! Et si ces “opposants”, décidément voués à concourir pour perdre, ne se présentent pas, la place revient à d'illustres inconnus. Même dans la forme, la partie est donc faussée à l'origine : l'entente au pouvoir refuse de jouer le jeu démocratique de la concurrence. Il y a donc là un acte de boycottage tactique de la part du FLN, du RND et du MSP, incompatible avec la vocation de partis politiques à concourir pour les plus hautes fonctions politiques. Le boycottage d'abstention a l'avantage d'exprimer loyalement une protestation ; le boycottage tactique a l'inconvénient de cacher une inavouable intention. L'Algérie est-elle en train d'inventer “la démocratie planifiée” ? M. H.