Le site Planet-dz aura longtemps porté, seul, sur le net, les couleurs de la culture algérienne, notamment la musique et la chanson, en France. Créé par Farid Yaker et Seddik Madaoui, le site Planet.dz sera animé principalement, voire exclusivement, par Ourida Yaker pendant une dizaine d'années. Liberté : Ourida, tu es à l'origine de Planet-dz ; à quand remonte cette initiative ? Ourida Yaker : Il y a deux personnes à l'origine de la création de Planet-dz : Farid Yaker et Seddik Madaoui. J'y suis depuis 1997, année à laquelle j'ai pris en charge le site. Je me suis retrouvée seule à travailler, et sur l'association et sur le site. Pourquoi cet intérêt pour la culture algérienne en France ? Parce qu'il était important à l'époque, en 1997, en pleine décennie noire, de regrouper les artistes algériens, de donner de leurs nouvelles, de leur actualité artistique. Il était important de faire vivre nos cultures. Il y avait des artistes qui créaient et il était important de rendre compte de ça. C'est une forme de vie, cette création qui contrebalance et la vie et la mort, en quelque sorte. C'était également essentiel de créer un espace de liberté : c'était les tout débuts d'Internet, ici en France en tous les cas. Il y avait très peu de sites et nous étions les premiers à nous intéresser à la question algérienne. Nous avons commencé avec 200 visiteurs par jour, qui venaient du Canada et des Etats-Unis. Comment est structuré Planet-dz ? Créé en HTML par Seddik Madaoui avec une architecture particulière, avec des rubriques et des sous-rubriques : musique, cinéma, littérature, etc., c'était moi qui l'alimentais. Puis, on a créé un site dans le site, qui s'appelait le Baz'art. Mais il faut dire que ce site est complètement dépassé à l'heure actuelle même si, à l'époque, il était précurseur. Nous manquons de moyens pour en faire un site plus performant, aux normes actuelles. Il faut préciser que nous étions des bénévoles réunis autour d'une association. Ça reste quand même un site pratique, de promotions, de rencontres… Parallèlement aux rencontres virtuelles, y a-t-il eu des rencontres, je dirais, physiques, des rapprochements des artistes ? Ce qui est important, justement, c'est cette double possibilité de rencontre : au-delà des rencontres virtuelles entre des artistes au fin fond d'Algérie, entre eux et avec des artistes de Paris, de la région parisienne, de la France en général, il y a des rencontres réelles autour d'une sortie d'un livre, d'un événement culturel ; des affinités se dessinent, des échanges ont lieu qui donnent parfois lieu à des créations en associant des talents divers. Il y a eu des rencontres qui mélangeaient les arts, le cinéma, la littérature, la chanson, l'artisanat : des complémentarités se sont donc établies, qui donnent une vue d'ensemble complète de la culture algérienne. Je voulais en venir, justement : Planet-Dz ne se contente pas de mettre les intervenants de la culture algérienne en relations virtuelles, mais elle organise également des évènements… Absolument ! Pour rendre compte d'une culture, il n'y a rien de mieux que de la rendre vivante. Pour montrer ce que nous sommes capables de faire, mettre nos différentes cultures en avant, il faut des lieux de manifestations bien réels. Il faut dire que nos cultures restent relativement méconnues en France malgré une Histoire commune. L'une des toutes premières manifestations culturelles que nous avons faites, c'était Cyber-Algérie, qui a été transmise sur Canal+ et aussi par la radio algérienne. Et avec l'Algérie ? Y a-t-il des contacts, des échanges ? Oui, il y a eu des contacts : avec des journalistes, des artistes et des institutions. C'est très difficile de travailler avec les institutions : on construit des dossiers, on attend et dans la plupart des cas rien, n'aboutit ; on ne trouve pas d'interlocuteurs valables. On a l'impression que les choses se font toujours en dernière minute en Algérie ; il y a un manque d'organisation flagrant, y compris avec les institutions officielles. Tu es passée aujourd'hui à ce que tu appelles “une étape supérieure”. Depuis quand, exactement et de quoi s'agit-il ? Il faut rappeler que j'ai toujours été bénévole à Planet-Dz. J'ai quand même donné une dizaine d'années à ce site. Je réalise maintenant qu'il me faut un travail qui me fasse vivre. C'est pourquoi j'ai créé, depuis novembre dernier, ma propre boîte de production : Tour'n'sol prod. C'est la continuité de Planet-DZ, mais à une échelle supérieure effectivement, à une échelle professionnelle. Je soutiens actuellement, je manage onze groupes qui viennent principalement du Maghreb. C'est surtout de la musique métissée principalement, avec des groupes que je connais depuis longtemps. Il y a tout un réseau pour créer, il y a des paliers différents et les artistes ont besoin, entre autres, d'un agent, d'un tourneur et moi, je suis en fait une “tourneure”, une productrice. Ce que je fais, je propose à des programmateurs “mes artistes” : Cheikh Sidi Bémol, Band of Gnawa, Electrodunes, Djelsa, Mouss, Fanfaraï, Youss, Daxar et Samira Brahmia qui se révèle une artiste de grand talent, qui va bientôt faire le mythique Théâtre de la Ville. Pour proposer ces artistes, il faut bien sûr des outils, des supports qu'il faut créer pour donner un gage de sérieux et de professionnalisme : des compilations, des dossiers de presse, des fiches ; il faut aller sur des festivals… J'ai été très fiers de les présenter au Womex, j'y tenais un stand… C'est un travail de longue haleine, de patience et de persévérance ; rien ne se fait du jour au lendemain… Et à titre personnel, toi et l'Algérie ? J'y suis retourné dernièrement après huit ans d'absence. C'était émouvant, bien sûr, les retrouvailles avec la famille, les amis, mais je me suis vite rendue compte que les choses étaient difficiles : la vie est chère, il n'y a pas de travail et, côté artistique, il est très difficile de créer, il n'y a pas de lieux de diffusion et les jeunes artistes ont plutôt tendance à se décourager. A. Y.