Si l'annonce, aujourd'hui, de la candidature de Abdelaziz Bouteflika à l'élection présidentielle va certainement clarifier les termes du débat électoral, il n'en reste pas moins que la liste réelle de tous les postulants est bien loin d'être définie. L'on peut toujours spéculer sur l'envergure des uns et des autres qu'il n'en résultera pas du concret avant la date fatidique du 23 février à minuit, dernier délai pour le dépôt des dossiers de candidatures à cette élection du 9 avril prochain. Comme quoi il faudra s'attendre à une élimination en masse de l'écrasante majorité des 27 candidats ayant procédé au retrait des formulaires administratifs, et annoncé leur intention de participer à la présidentielle, boycottée par les représentants des partis FFS et RCD ainsi que par ceux que l'on considère – à tort ou à raison – comme étant des hommes politiques de taille, dont les poids lourds des élections passées. La plupart des prétendants actuels à la magistrature suprême ne sont pas du tout assurés de pouvoir satisfaire, en effet, aux exigences de la loi électorale, selon laquelle tout candidat à devenir président de la République algérienne doit recueillir au moins 600 signatures d'élus ou celles de 75 000 électeurs issus de 25 wilayas au moins parmi les 48 que compte le pays. Il est à prévoir par conséquent que seuls quelques-uns vont passer la barre, trois ou quatre sans doute, parmi lesquels a annoncé déjà pouvoir figurer le leader du FNA, Moussa Touati. Ce dernier a déclaré récemment à Alger que son parti avait collecté en sa faveur 1 500 signatures d'élus et plus de 96 000 signatures de citoyens qui lui permettront de se présenter à l'élection présidentielle d'avril. Effectivement, Touati, devenu en l'espace de deux suffrages (élections législatives et locales) un nouvel homme fort de la sphère politique algérienne, peut se targuer d'être l'un des rares à se positionner d'ores et déjà, sans fanfaronnade aucune, dans la course électorale. Il reste à savoir évidemment s'il a assez d'envergure pour faire ou moins un minimum d'équilibre au plan médiatique et surtout de l'argumentation politique. Ce n'est pas si certain, d'autant que Moussa Touati a beaucoup brillé par la contradiction dans ses discours, alternant tantôt le noir et le lendemain le blanc. Ancien militaire et ancien vendeur de volailles, venu à la politique par le biais d'une organisation des enfants de chouhada et grâce à l'appui de Mouloud Hamrouche (ancien Chef de gouvernement) dont il est un disciple, Touati explique que le FNA est un parti qui fait de l'opposition constructive, se voulant ainsi se démarquer des autre partis, qu'il accuse indirectement de “vouloir imposer des choses non imposables”. Une partie de la presse va jusqu'à qualifier le FNA (FNA, 19 députés), de premier parti d'opposition en Algérie. Mais de nombreux observateurs avertis ne tiennent pas – du moins pas encore – Touati pour une grosse cylindrée de l'avenir politique algérien. De la révolution mondiale à la nation une et indivisible Louisa Hanoune, du Parti des travailleurs (PT, 26 députés), autre candidate, est bien placée pour mener une campagne électorale tous azimuts et qui ne manquera pas de drainer les foules, tant il est vrai que Mme Hanoune suscite depuis de très nombreuses années beaucoup de sympathie au sein de larges catégories de la population algérienne. Tout le monde sait que ce sont son charisme et souvent son franc-parler qui ont exceptionnellement fait connaître son parti, un mouvement d'obédience trotskyste à l'origine, c'est-à-dire dont les probabilités de s'ancrer dans la société algérienne étaient pour le moins minimes. Quant à affirmer qu'elle aurait des chances d'aller plus loin pour occuper aujourd'hui le fauteuil présidentiel, les politiques avertis et les milieux proches du Parti des travailleurs se disent certains que celle que l'on nomme “la passionaria” ne croit pas elle-même à son élection. Fidèle à sa ligne de conduite, on dit qu'elle tient à marquer sa présence... on ne sait jamais. Cette ancienne employée de la compagnie Air Algérie, partisane de “la révolution mondiale”, du “pouvoir aux travailleurs” etc., au départ de son entrée en politique a tellement bien réussi à s'arrimer au monde politique algérien qu'elle a tout de même pu implanter valablement son parti dans le monde ouvrier aussi bien que partout à l'université, tout en récupérant une partie non négligeable du mouvement féminin. C'est elle enfin qui a tenu tête aux Archs en 2002, en tenant un meeting dans leur fief en Kabylie pour défendre la “nation une et indivisible” et en s'attaquant, par ailleurs, ouvertement, au MAK (Mouvement pour l'autonomie de la Kabylie) pour tirer à boulets rouges sur son créateur, le chanteur Ferhat Mehenni. Les deux autres candidats que l'on pourrait encore citer seraient Fawzi Rebaïne et Mohamed Saïd Belaïd. Le premier est issu tout droit d'une famille de révolutionnaires, fils de chahid, petit-fils du défunt Amar Ouzeggane personnalité marquante de la Révolution algérienne, et dont la mère Fatma Ouzeggane fut la première à la tête de la grande manifestation contre le code de la famille aux côtés de... Louisa Hanoune, les années 80. Membre d'un comité d'enfants de chouhada proche du MCB (Mouvement culturel berbère) il y a une vingtaine d'années, peut-être parce qu'un tant soit peu entraîné par son beaucoup plus fougueux beau-frère et militant Arezki Aït Larbi, emprisonné quelque temps pour ses accointances prononcées avec ce mouvement, il crée un parti en 1995-96 appelé Ahd 54. Ce parti ne pèsera aucun poids sur la scène politico-médiatique. Aucun analyste politique sérieux ne voudra accorder la moindre envergure à cet homme, dont on entend parler épisodiquement, à la veille d'élections. Mohamed Saïd Belaïd, le second nommé, est un ancien diplomate de carrière, plusieurs fois ambassadeur d'Algérie. La rencontre de Mohamed Saïd avec Taleb Ahmed Ibrahimi, quand ce dernier était ministre des Affaires étrangères, forge entre les deux hommes une solide amitié. Mais cela pourrait s'arrêter là. Autant l'ancien ministre des Affaires étrangères est pétri de culture politique et de raisonnement intellectuel, autant l'ancien diplomate, excellent bilingue, par ailleurs, et secrétaire général d'un parti Wafa qui n'a jamais vu le jour, détonne par sa réserve. En résumé, il s'agit plus d'un homme politiquement correct que d'un grand ténor apte à rassembler des foules dans les stades. Finalement, Louisa Hanoune et Moussa Touati sont, selon nos informations, les seuls sûrs de disposer déjà du nombre d'élus requis et n'ont aucun problème pour remplir les conditions de la loi électorale. Fawzi Rebaïne et Mohamed Saïd Belaïd sont en pole position, capables de mobiliser des appuis politiques importants à la dernière minute, de par leurs backgrounds respectifs, semble-t-il. Pour tous les autres, l'on voit mal comment ils vont s'en sortir pour mobiliser ces gigantesques moyens financiers, logistiques et humains qu'il leur faudra pour réunir les fameuses signatures. Quoique en politique, tout demeure possible. ZOUBIR FERROUKHI