C'est une diva. Elle est fière et altière, belle et rebelle, battante et combattante. Sa voix culmine aux cimes des Aurès. Elle est la fille terrible de la balle d'Arris et spirituelle de Aïssa Djermouni. Elle a de qui tenir. Elle est l'ambassadrice du chant chaoui à travers le monde. Ce n'est autre que Houria Aïchi. Elle s'est produite, jeudi soir à la salle Ibn Zeydoun d'Alger, au grand bonheur d'un public venu massivement la voir. La preuve. C'était un concert affichant complet au grand dam des grappes humaines penaudes à l'extérieur de la salle. Un événement artistique goupillé par le Centre culturel français d'Alger. S'étant entourée de la formation strasbourgeoise, le quintette L'Hijaz'Car, constitué de Gégory Dargent, l'éminence grise du groupe (oûd, sample, compositions et arrangements), Etienne Gruel et Fabien Guyot (percussions), Jean-Louis Marchand ( clarinette) et Nicolas Beck (tarhu, gumbri, hajouj), Houria Aïchi portera et transportera son bon public dans un « trip » chevaleresque, celui des Rayan el Khil (Les cavaliers des Aurès). Et l'on est pas déçu du voyage. Une destination équestre chaouie, orientale, levantine, turco-iranienne et surtout poétique célébrant l'amour, la bravoure et la générosité des cavaliers des Aurès. Bref, un espéranto choral et orchestral allant crescendo. Voici Houria Aïchi, elle salue le public avec déférence, ajuste son livret, prend ses marques, inspire, se concentre comme sur un starting-block et prend son envol. Cette « amria » vole et survole au firmament des Aurès en interprétant des titres comme Invocation amoureuse, Chahba, Mélancolie, Poésie sraouie, La rencontre amoureuse (Aldjia), Raïm, Sarouf ou encore Sob rach rach et ce, dans une bonne intelligence acoustique et recording où l'oûd, la derbouka, le banjo, la clarinette ou encore le gumbri sont un écrin à la voix royale de Houria. L'on découvrira qu'elle fait du show, chaleureuse quoi. C'est que Houria est une véritable ambianceuse ! Elle esquissera cette fameuse danse caractéristique chaouie : un « walk moon » aurassi, très apprécié et copieusement ovationné. Cette grande dame de la chanson chaouie, jurant avec la gérontologie et filant des complexes au jeunisme, est une véritable pile « Wonder » sur scène. Et de surcroît, elle chante avec ses tripes, tantôt déchirante vous donnant la chair de poule, tantôt émotionnelle. Comme sur l'introduction La rencontre amoureuse (Aldjia), où elle entrera en transe et écrasera une larme. Oui, c'est une sister soul. Dont acte ! Et des youyous en guise de respect et de reconnaissance. « Je suis heureuse d'être ici, à Alger et je suis morte de trac. Je suis heureuse aussi de reprendre le répertoire chaoui très cher à mon cœur et à mes souvenirs d'enfance perdue dans les Aurès. J'ai redécouvert à travers ces texte des mots, une poésie rude et généreuse. » A titre de présent, Houria Aïchi, cette fois cavalière seule face à son public, déclamera une ode aux Aurès a cappella en exhibant l'étendue et la portée de son bel organe : une voix divine. Elle se sent pousser des ailes, celle d'un aigle... royal — très cher à Barbara — survolant les Aurès. Houria, n'est-ce-pas la liberté en arabe ?