Depuis la cascade de fermetures des restaurants et autres commerces liés à l'activité touristique, les habitués du port de la Madrague et les visiteurs étrangers se posent moult questions sur les raisons causales et l'objectif visé par la circonscription administrative de Chéraga. Pourtant, la Madrague a commencé à s'installer dans la normalité, après un effort financier considérable de l'Etat et un intérêt certain de l'APC qui va puiser une partie appréciable de ses revenus, dans le courant de cette année, de la révision des loyers, avec de surcroît, un effet rétroactif. Le ministre de l'Intérieur avait appelé les collectivités locales à valoriser leurs biens en rapprochant, entre autres, les loyers des biens communaux aux prix courants du marché. Les choix proposés interviennent, selon un élu, pour renforcer les capacités financières de l'APC qui fait face à des besoins croissants de la population en matière de qualité de vie, d'environnement et d'hygiène. Il est vrai, dit-on, que la solution à ces déficits récurrents réside dans la réforme de la fiscalité locale qui tarde, malheureusement, à voir le jour ; mais c'est une autre histoire. Faut-il rappeler que le parc logements en construction est gigantesque et que Aïn Benian est appelée à devenir une grosse ville avec d'énormes besoins nouveaux. La Madrague était un vivier de restaurants qui attiraient des visiteurs de tous les horizons avec ses terrasses et ses spécialités culinaires, souvent à base de poissons. L'Etat a mis le paquet pour lui redonner son cachet originel en restructurant le port après un grand curage et en encourageant les investissements pour la pêche et les commerces liés au tourisme mais… À Aïn Benian, El-Djamila faisait la fierté des Guyotvillois ; elle avait résisté pendant la décennie noire à toutes les velléités en gardant une activité intense et en entretenant ce petit coin de paradis dans l'enfer du prosélytisme et des assassinats ciblés. Maintenant, les restaurants ferment les uns après les autres à une vitesse infernale et les commerçants n'arrivent pas à s'expliquer la manière expéditive avec laquelle les décisions de fermeture pleuvent avec, en sus, la pose de scellés sur les portes d'entrée. Le dernier restaurant ayant fermé, il y a quelques jours, a connu un traitement particulier puisque 7 portes intérieures ont été scellées y compris celle des toilettes sur laquelle le sceau de l'Etat aurait été apposé. La procédure semble être simple, la police inspecte, fait un rapport pour relever des anomalies. Le rapport transite par la circonscription administrative de Chéraga qui suggère la fermeture et atterrit à la wilaya qui prend un arrêté d'exécution. Encore une conséquence d'une bureaucratie aveugle qui laisse à la police générale le droit de gérer, à la place de l'administration compétente, la chose publique, bien que le travail de cette dernière ne soit pas de trop, au contraire. M. Addou, le wali, et même le nouveau secrétaire général qui était wali délégué de Chéraga, puis de Bir Mourad Rais, avant qu'il rejoigne son nouveau poste, ont voulu tout faire pour que la Madrague soit quelque chose qui s'inscrirait dans la nouvelle configuration avec les projets en devenir. Le rapport de la police aurait pu être soumis aux autres structures plus compétentes, en matière de gestion de la mise en œuvre de la réglementation et de la veille relative au respect de la loi. Cette voie aura le mérite d'être moins répressive et plus ouverte aux autres aspects du quotidien. Le commerce, l'hygiène, l'environnement, la santé sont certainement plus compétents Contrairement à ces ambitions, la sanction contre les commerçants “fautifs”, de la Madrague est, en l'état actuel, une fermeture de deux mois, à proroger jusqu'à la levée des réserves. Quand il s'agit de réserves relatives au réaménagement, aucune intervention n'est possible tant que les scellés sont en place et la réouverture n'intervient qu'après la levée des réserves. Une aberration administrative ou une incompétence avérée ? Selon des habitués des lieux, le restaurant Sauveur, internationalement connu, est fermé pour une histoire d'actualisation de son agrément qui est au nom du père des nouveaux gérants, celui-ci étant décédé, il y a quelques mois. La procédure la plus logique, soutient-on, aurait été d'envoyer des mises en demeure et de fixer un délai pour que les commerçants puissent accomplir les formalités exigées. L'histoire inédite est celle d'un dépôt de vente en gros de boissons et qui, en 2004, avait reçu un arrêté de fermeture. Celui-ci rouvre quelques mois après la sanction, en ayant purgé la durée fixée par la décision. La police est venue le voir, il y a quelques jours, pour lui signifier une fermeture parce qu'il n'a pas, depuis, un autre arrêté de réouverture. Par conséquent, lui a-t-on dit, vous devez demander une autorisation de réouverture et, en attendant, fermer le magasin. Pendant toute la durée de la sanction, les travailleurs sont au chômage et doivent, souvent, retourner chez eux à l'intérieur du pays. Entre Sauveur et Yasmina, les deux derniers restaurants ayant été fermés de la même manière, 47 employés sont dans la rue, sans compter la liste des emplois indirects formés par les boulangers, les pêcheurs, les agriculteurs du plateau de Aïn Benian, les livreurs, les gardiens de parking et la liste est très longue. Un intellectuel, qui a requis l'anonymat, a dit que Rachid Boudjedra, un écrivain traduit dans plusieurs langues, avait eu la chance de fêter quelques heures avant la fermeture du restaurant Yasmina, l'anniversaire d'une proche, en présence de plusieurs personnalités du monde des médias, des arts et de la culture. Au même lieu, a-t-on dit, Boudjema Karèche, un juriste absorbé par le cinéma, a présenté, sur insistance de ses amis, son livre, Juste un mot édité sur fonds propres. Il y avait, parmi les chroniques, un titre évocateur, Sauveur nous manque, c'était après que “Sauveur”, si Said, décède et avant que la circonscription administrative de Chéraga ne lui ferme son restaurant. Sur un simple quai du port de Barcelone, le roi Juan Carlos accoste son bateau pour attirer les touristes vers les 350 restaurants qui s'y trouvent. À la Madrague, c'est une autre histoire parce que personne ne peut dire d'où vient, en vérité, la décision de reléguer ce havre de paix en un lieu sinistre. Le décideur, quel qu'il soit, aura porté un grand coup à l'APC chargée d'exploiter sa taxe sur les activités professionnelles, ses loyers et la prise en charge des doléances de ses administrés résidents ou passagers. Un vieux démuni, assez cultivé, attendant qu'une âme charitable lui donne quelque chose, dit que c'est la meilleure solution pour provoquer la non-élection, entendez bien la non-participation aux prochaines élections présidentielles. Les rumeurs les plus folles circulent. Cela va de l'intégrisme qui s'impose, à la corruption qui s'installe. Allez savoir la vérité, mais pour le moment, la Madrague s'enfonce dans les abîmes, elle se meurt au nom de la loi. A. B.