Les séances reprendront lundi prochain. Pour la première fois, des témoignages d'experts sur la situation des droits de l'Homme en Algérie seront produits devant le tribunal. Tout le monde était en colère, hier, dans la salle d'audience numéro trois du tribunal de Westminster, à Londres, où se déroulent les auditions sur l'extradition vers l'Algérie de Abdelmoumène Rafik Khelifa. Visiblement exaspéré par un nouveau report de son procès à lundi prochain, l'ancien milliardaire a bredouillé un “thank you” expéditif en direction du magistrat avant de céder sa place à un codétenu de la prison de Holles ley d'où il a assisté à la séance en vidéoconférence. Le juge Timothy Workman étant absent, sa remplaçante a également manifesté une certaine impatience, en prenant connaissance des motifs d'ajournement exposés à la fois par les représentants de la défense et de la partie civile. La greffière elle-même a paru très remontée, mettant en évidence le fait que le tribunal n'a pas été informé à l'avance d'une quelque demande de report. Résultat, les séances qui devaient s'étaler sur cinq jours consécutifs ont été ramenées à quatre. Si tout va bien, elles débuteront lundi prochain à dix heures. À ce stade du procès, les avocats des deux parties devront produire des témoignages d'experts sur la situation des droits de l'Homme en Algérie et prouver si oui ou non Khelifa bénéficiera d'un procès équitable une fois de retour dans son pays. Pour appuyer ses objections, la défense de l'ex-golden boy a fait appel à deux académiciens britanniques spécialistes de l'Algérie, dont l'un est professeur à l'université de Cambridge ainsi qu'à un avocat algérien, dont l'identité n'a pas été révélée. Pour sa part, la partie civile a élaboré son propre dossier sur la base des garanties qui lui ont été fournies par l'Etat algérien. L'une des raisons fournies, hier, par la défense pour demander l'ajournement des auditions consistait justement à dire qu'elle n'a pas reçu une copie de ce rapport, qui devait lui être remis avant la reprise des débats. L'assistante des maîtres Rothwell et Branden a, plus globalement, mis en évidence “les difficultés liées à la gestion de toute l'affaire”. L'une d'elle d'ordre pratique concerne la partie civile dont Me Julian Knowles, principal représentant au tribunal, est actuellement indisponible, car ayant à plaider une importante affaire de viol devant une cour d'appel. Il est à noter que les auditions prévues la semaine prochaine constituent une étape cruciale. Les témoignages des experts sollicités par les deux parties devront largement influencer la décision du juge Workman de renvoyer ou pas Khelifa devant la justice de son pays. Le magistrat s'est déjà forgé une opinion en analysant le contenu du dossier d'accusation transmis par la chancellerie algérienne et les avis contradictoires développés à son sujet par la défense et la partie civile. Les débats sur cette question datent du printemps 2008, deux mois après le début des auditions. Offensifs, les avocats de l'ex-golden boy avaient mis en évidence toutes les failles caractérisant le dossier, allant même jusqu'à remettre en cause la qualité de la traduction de l'arabe à l'anglais de certains rapports. Mais, à ce jour, leur principal discours consiste à dire que leur client est victime d'une cabale. En témoigne leur insistance à produire des témoignages sur la situation des droits de l'Homme et sur le climat politique en Algérie. En mars prochain, Khelifa devra boucler ses deux années d'incarcération. Il avait été arrêté en 2007, suite à l'exécution d'un mandat d'arrêt européen, délivré à son encontre par le tribunal de Haute Instance de Nanterre en France, dans le cadre de l'ouverture d'une information judiciaire relative à la faillite frauduleuse de certaines filières de son groupe domiciliées dans l'Hexagone. En août 2007, la justice britannique avait donné son accord pour le livrer à son homologue française. Mais cette décision a dû être suspendue suite à l'introduction par l'Etat algérien d'une demande d'extradition similaire. Depuis, les avocats de l'ancien milliardaire n'ont pas cessé de solliciter sa remise en liberté sous caution. En vain. Compte tenu du rythme très long des auditions, son séjour en prison risque de s'éterniser. S. L.-K.