Enigme de l'expert anonyme La poursuite des auditions bute contre l'exigence exprimée par le tribunal de connaître l'identité de l'expert algérien que la défense de l'ex-milliardaire a sollicité pour établir un rapport sur la situation des droits de l'homme en Algérie. Les auditions à Londres, sur l'extradition d'Abdelmoumène Khelifa, sont des épisodes d'un feuilleton sans fin. Compte tenu de la complication de la procédure, de la minutie de la justice britannique dans le traitement du dossier et de la bataille soutenue entre la défense et la partie civile, l'affaire en débat depuis plus de six mois risque de perdurer. Une nouvelle entrave à la poursuite du procès vient de se dresser. Elle consiste en la persistance de la défense de l'ex-milliardaire à ne pas dévoiler devant le tribunal l'identité d'un des trois experts qu'elle a sollicités pour élaborer des rapports sur la situation des droits de l'homme en Algérie. Selon maîtres Rothwel et Branden, le témoin vivant en Algérie — il est avocat — entend garder l'anonymat pour des raisons de sécurité. “Je suis allé à Paris pour le rencontrer. Il m'a dit qu'il a vraiment peur de se faire connaître”, a confié Me Ben Branden au juge au cours d'une audience tenue mercredi dernier au tribunal de Westminster. En l'absence de Timothy Workman (le magistrat chargé de l'examen de l'affaire), son remplaçant a pris soin de signifier à la défense que la préservation de l'anonymat des témoins n'est plus autorisée par la loi. “Il y de nouveaux textes. Nous devons les appliquer”, a indiqué le juge en observant toutefois que cet amendement n'est pas sans risque pour la bonne marche de la justice. À ce propos, il a relaté le volte-face d'un ressortissant polonais qui devait se déplacer à Londres pour témoigner en faveur d'un compatriote concerné par une demande d'extradition similaire. Menacé de violence dans son pays, il a renoncé à livrer son témoignage, suite à la décision prise de faire figurer son nom dans le dossier. Les défenseurs de Khelifa comptent justement exploiter les risques de la défection de leur témoin pour entraîner le tribunal à faire exception à la loi. “La plupart des défenseurs des droits de l'homme, des avocats et des journalistes, sont menacés de prison en Algérie”, a plaidé Me Branden. Son argumentaire pour autant ne semble guère émouvoir la partie civile qui exige l'application stricte de la loi. Elle veut que l'ensemble des auteurs des expertises soit identifié. Deux rapports portent la signature d'éminents académiciens britanniques, très au fait de la situation politique en Algérie. Le premier est George Joffé, professeur à l'université de Cambridge. Le second est Hugh Roberts, ancien secrétaire général de l'association pour les études algériennes (The Society for Algerian Studies). Ces derniers ont déjà livré leurs appréciations à la défense. Selon Me Branden, l'expertise de l'avocat algérien est attendue pour le 8 octobre prochain. Conformément au calendrier fixé par le juge Workman, les contenus des trois rapports seront discutés au cours de la prochaine audience prévue le 28 octobre à 14 heures. L'examen de la situation politique et des droits de l'homme en Algérie est la troisième étape dans le traitement de l'affaire d'extradition de Khelifa. Les précédentes ont été consacrées à la validation de la forme de la requête de livraison transmise par le gouvernement algérien et à l'étude du dossier d'accusation. Au cours de ce nouveau round, les avocats de l'ex-golden boy entendent faire admettre au tribunal — rapports à l'appui — que l'Algérie ne présente pas toutes les garanties en matière de droits de l'homme, de nature à réserver à leur client un procès équitable et des conditions de détention convenables. Il est à noter qu'Abdelmoumène Khelifa n'a pas été conduit au tribunal mercredi dernier. Il a assisté à la séance à partir de la prison, par vidéoconférence. À la fin de l'audience, le juge a reconduit sa détention.