Claudio Ranieri revient demain à Chelsea comme entraîneur de la Juventus Turin pour défier, en 8e de finale aller de la Ligue des champions, l'équipe qu'il a longtemps décrit comme “son club”, même après en avoir été licencié sans ménagement, en 2004. “Suis-je amer ? Oui. Amertume, rancoeur, douleur. Appelez ça comme vous voudrez”, confiait, il y a quelques mois, Ranieri, 57 ans, quand était évoquée la possibilité de ce duel. Après quatre saisons et une attente de plusieurs semaines à se savoir condamné depuis qu'avait été dévoilée la tenue d'une réunion entre le nouveau propriétaire Roman Abramovitch et l'agent de Jose Mourinho, Ranieri avait vu son contrat résilié par un coup de fil abrupt d'un conseiller du milliardaire. Selon l'entraîneur, Abramovitch a depuis montré plus d'égard, lui assurant lors d'une rencontre de hasard que “Chelsea serait toujours (sa) maison” dont “la porte (lui était) ouverte”. “Je préférerais les clés de son yacht”, grince Ranieri qui avait amené Chelsea à son meilleur classment en championnat d'Angleterre depuis 50 ans (2e) et une demi-finale de Ligue des champions. Même s'il conteste le terme de “revanche”, “Il Mister”, qui a gardé sa maison de Fulham, ne cache pas sa hâte de défier ses anciens employeurs : “Pour leur montrer : voilà ce que je fais maintenant. Que c'est la Juventus. Que ce sont les joueurs avec qui je suis fier de travailler. Que c'est l'équipe que j'ai bâtie. En respectant un budget...” Ce n'est pas son licenciement que Ranieri garde sur l'estomac (“En Italie, le changement d'entraîneur est une stratégie à laquelle nous sommes habitués. Nous l'avons inventée.”), mais que ne lui soit pas accordée une part dans ce qui devait suivre : “Je suis très fier de ce que Chelsea a fait après mon départ.” Il reproche à son successeur de l'avoir dénigré pour rehausser son propre mérite : “En Angleterre, vous connaissez très bien Jose Mourinho, je connais très bien Jose Mourinho, et désormais l'Italie connaît très bien Jose Mourinho... Je ne sais pas si les Italiens aiment Jose. Peut-être les supporteurs de l'Inter. Pour les autres, je ne suis pas sûr.” À un interlocuteur qui suggère que les titres du Portugais n'auraient pas été possibles sans son travail de bâtisseur, Ranieri répond : “Je ne l'ai pas dit. Vous l'avez dit. Merci.” C'est lui qui a recruté Frank Lampard, Joe Cole, Claude Makelele, William Gallas, Petr Cech, qui a fait de John Terry un titulaire. Les supporteurs, qui avaient oublié le surnom de “Clownio” dont ils l'avaient affublé à ses débuts, ne s'y sont pas trompés, tirant les larmes de l'Italien d'une incroyable ovation pour ce que tout le monde savait être son dernier match, contre Leeds (1-0). C'est désormais en adversaire qu'il commente le remplacement récent de Luiz Felipe Scolari par Guus Hiddink. Il feint le détachement, mais une pointe témoigne que la cicatrice reste sensible : “Chelsea change d'entraîneur plus souvent que nous changeons de gouvernement.”