Rien qu'à sa façon de ralentir à proximité de l'arrêt de bus et de toiser de discourtoise manière l'usager, force est de croire qu'il s'agit peut-être bien d'un de ces dandys en quête d'une aventure sans lendemain. Cela conforte d'autant l'argument, lorsqu'il se fait rabrouer d'un air dédaigneux par ces dames effarouchées et rembarrer d'un revers de la main par ces messieurs à la mine bourrue. Certes, on se serait contenté de l'hâtive thèse d'un dragueur en mal d'une conquête, s'il n'y avait pas l'instantané en mode replay de l'analogue séquence qui aurait prêté à sourire en d'autres temps. Donc, un joli cœur, ça va, un second gracieux dragueur, bonjour les dégâts ! D'autant que l'instant d'aller conter fleurette s'y prête mal, notamment à l'heure de pointe… matinale. Et au minois tourmenté de la gent féminine et à l'air scandalisé de ces messieurs, l'inconnu oppose derechef la formule qui tranquillise. Et c'est ainsi que fuse de l'habitacle banalisé l'offre de service d'un : “Taxi !”…clandestin s'entend : “Allez ! Décidez-vous ! Je veux bien vous déposer si c'est dans ma direction ! Et ne vous en faites pas pour le tarif, on s'arrangera !” Authentique ! C'est l'énigme qui s'élucide ainsi à la façon d'un boxeur acculé à l'angle du ring et auquel l'annonce de l'inattendue prestation de service fit l'effet d'un inespéré coup de gong, particulièrement pour ces dames qui reprirent aussitôt de l'assurance et des couleurs. Pour l'histoire, le cas n'est pas du tout isolé ! Loin s'en faut, puisqu'ils y sont légion particulièrement sur l'itinéraire de l'ancienne Régie syndicale. D'autres plus hardis, s'en vont titiller l'interdit du côté des quartiers des hauteurs d'Alger où dit-on, il y a à boire et à manger ! Alors, et si d'aventure, un inconnu motorisé prend vos mesures sans modération, dites-vous qu'il doit s'agir d'un de ces clandos avec lesquels les taxieurs d'Alger doivent dorénavant compter. Certes et même s'ils substituent une déloyale concurrence aux chauffeur de taxi, en revanche, ils laissent le choix de l'itinéraire au passager. Donc, il n'y a rien d'étonnant à ce que le décalage criant d'avec la réalité en matière d'obligations professionnelles dont a fait preuve jusqu'ici la corporation légale, a été vite comblé. La preuve ! Ils ne s'en cachent plus et appliquent à la lettre la maxime d'aventure de cape et d'épée : “Si tu ne vas pas à Lagardère ! Lagardère ira à toi !” Nazim Djebahi