Prévue du 23 janvier au 15 février, la halte parisienne de Fellag a été prolongée jusqu'au 28. Preuve du succès du nouveau spectacle du Chaplin algérien qui a fait patienter son public cinq ans après Le Chameau. En bleu de travail, l'humoriste n'est plus seul. Dans tous les Algériens sont des mécaniciens, il a offert à la comédienne française Marianne Epin de l'accompagner. Les deux forment un couple de retraités forcés, Salim et Chahrazade. Ils sont sur la scène, une terrasse ensoleillée d'un bidonville d'Alger où le linge prend l'air en attendant l'arrivée de la “manne hydraulique” : cette précieuse eau distribuée au compte-gouttes. L'Algérie apparaît sous la forme d'une voiture dont on soulève le capot pour en examiner les organes. Un exercice auquel Fellag se livre avec son humour et ses talents de conteur. Délicat, mais aussi impitoyable. “Dès que vous ouvrez le capot, les passants s'agglutinent autour et plongent leur nez dans le moteur pour voir ce qui ne tourne pas là-dedans. En quelques secondes, ils forment un colloque de chercheurs qui se penchent sur vos ennuis mécaniques. Le moteur d'une voiture est le seul endroit du pays où la démocratie s'exerce en toute liberté, égalité, fraternité. Chaque citoyen, quelle que soit sa tendance, est libre d'émettre son avis dans un débat riche et contradictoire et le confronter à ceux des autres sans risques de poursuites judiciaires”, dit Fellag en préambule, avant de glisser dans les habits de plusieurs personnages comme l'islamiste et le laïc “francophile et au chômage technique” qui entretiennent une infinie controverse. Pour l'islamiste, la voiture est en panne parce que tout simplement le Très Haut en a décidé ainsi. Quand le laïc veut engager un pari sur la remise en route, l'autre n'en démord pas. Si elle redémarre, c'est aussi parce que Dieu l'aura voulu... Elle redémarrera finalement grâce à l'étonnante inventivité de ce mécanicien qui saura recycler un stylo à ressort “comme ceux qu'il y avait quand la France était encore là”. À mesure que s'égrène le temps, Fellag déroule les maux du pays : le manque d'eau, la crise de logement, les harragas, la paresse supposée des Algériens, l'arrivée des Chinois, l'attente du visa. Ah, le visa qui contient le mot “vie”. Mais aussi “vas-y”, “z'y va”, “fissa”. Fellag reste donc fidèle à une thématique déjà auscultée avec Un bateau pour l'Australie, Djurdjurassic bled et Le chameau. Ce dernier spectacle contient quelques répétitions, expressions et anecdotes recyclées. Des poncifs aussi qui risquent de conforter le public français dans ses préjugés sur l'Algérie. Un spectateur agacé a crié sa colère sur le site “kabyle.com”. Omar Lesaït, chauffeur de taxi et producteur de spectacles, s'est dit choqué et remonté contre le contenu du spectacle. Il a écrit au directeur du théâtre du Rond-Point à Paris pour lui exprimer son opposition au titre qu'il trouve “insultant” pour tous les Algériens. “Si je n'étais pas algérien j'aurais souhaité l'être”, a-t-il argumenté. L'humoriste a pris contact avec le site “kabyle.com” pour lui demander de retirer le commentaire critique. “C'est un appel bref. Il m'a menacé de poursuites judiciaires. Je me suis exécuté à contrecœur”, nous a expliqué Stéphane Arami, le directeur du site. Fellag dans le rôle de censeur ? Il s'en expliquera prochainement dans nos colonnes. A. O.