M. Aberkane a annoncé l'ouverture d'une enquête épidémiologique d'envergure dans plusieurs foyers à risque. “La situation est maîtrisée. Le site de Kahaïlia est mis en quarantaine. Les malades répondent bien au traitement.” Rassurant, le ministre de la santé et de la réforme hospitalière, M. Abdelhamid Aberkane, a exclu, hier, tout risque de propagation de la peste. Selon lui, cette maladie reste circonscrite au hameau de Kahaïlia, dans la banlieue d'Oran. “Le onzième cas enregistré dans le quartier Medioni (ex-Boulanger), dans la ville d'Oran, est celui d'une femme qui a récemment séjourné à Kahaïlia”, a précisé le ministre. Dans une conférence de presse tenue en marge d'une rencontre à l'institut de la santé publique d'El-Marsa, consacrée à la présentation des résultats de l'enquête épidémiologique dans les camps des sinistrés du séisme du 21 mai dernier, M. Aberkane a indiqué que tout le nécessaire est entrepris par ses services afin d'endiguer ce fléau. Il a révélé, à ce propos, qu'une équipe d'épidémiologistes de l'institut Pasteur est à pied d'œuvre à Kahaïlia depuis jeudi dernier. “Des mesures sont prises pour l'isolation d'éventuels nouveaux cas. Une opération de désinfection est par ailleurs entamée”, a affirmé le ministre. Il a, notamment, souligné qu'en pareils cas, l'éradication des agents porteurs comme les pucerons et les rats est primordiale. à plus grande échelle, la lutte contre les épizooties — la contamination animale — fait partie, selon le ministre, du dispositif de prévention. Répertoriée comme un foyer dormant, Kahaïlia a renoué avec la peste à cause d'une minoterie voisine qui aurait nourri les rats avec du grain importé. C'est du moins ce qui ressort des premiers éléments de l'enquête épidémiologique diligentée par le ministère de la santé. Son premier responsable en fait écho. Constatant l'absence de décès chez les rongeurs, il considère avec soulagement que le seuil d'alerte n'est pas atteint. Pour autant, le dispositif de veille et de vigilance doit, d'après le ministre, fonctionner sans faille. “Les sujets contaminés sont atteints de peste bubonique, soit la forme la moins grave de la maladie. Un traitement antibiotique suffit à la guérir. Cependant, en cas de négligence, la peste bubonique peut dégénérer et se transformer en peste pulmonaire, autrement plus néfaste”, a expliqué M. Aberkane. Si la menace est aussi persistante, pourquoi avoir attendu près de vingt jours pour isoler le hameau de Kahaïlia, alors que le premier cas de contamination s'est manifesté au début du mois de juin ? C'est le 4 juin, en effet, que le petit Hicham a été admis au Centre hospitalo-universitaire d'Oran. “Il était en état de choc. Les symptômes étaient sans appel. Il avait des bubons sur tout le corps. L'infection était généralisée et massive”, a confié le ministre de la Santé. Il a indiqué que les neuf autres cas se sont manifestés presque immédiatement. “Les sujets ont été hospitalisés dans le service des maladies infectieuses”, a-t-il précisé. Un onzième cas, ladite femme du quartier ex-Boulanger, est venu vendredi s'ajouter à la liste des malades atteints de la peste à Oran. D'après le ministre, aucun nouveau cas n'est signalé depuis. Le danger est-il réellement écarté ? Interrogé sur l'existence probable d'autres foyers dormants, le représentant du gouvernement n'a pas exclu cette éventualité. En guise de mesures préventives, il a révélé qu'une enquête généralisée a débuté. Quels sont les endroits ciblés ? On n'en sait rien ! Selon M. Aberkane, la prévention n'est pas du ressort exclusif de son département. Stigmatisant les collectivités locales, il a dénoncé la détérioration du climat environnemental en raison, par exemple, d'une gestion aléatoire des déchets ménagers, la prolifération de l'habitat précaire, en somme l'absence de conditions de vie dignes. Pour autant, d'après le ministre, ce n'est pas tant la pauvreté qui est à l'origine de la résurgence de maladies comme la peste, mais le manque d'hygiène. “Je suis médecin. J'ai eu à soigner des gens très pauvres mais très propres”, a-t-il dit. Toutefois, le ministre doit savoir que les gens pauvres ont rarement accès à l'eau. Parqués dans des gourbis, ils souffrent d'une insupportable promiscuité. Sans argent, ils ne peuvent prétendre à des soins réguliers. Ce sont donc les plus exposés. En tentant de dédramatiser la situation, M. Aberkane a cité l'exemple de la Californie où trente cas de peste sont enregistrés annuellement. La Californie reste néanmoins une exception. Dans la carte de l'Organisation mondiale de la santé (OMS) brandie par le ministre devant les journalistes, les pays les plus vulnérables sont ceux du tiers-monde. S. L. L'Algérie, un foyer ancien Selon le ministre de la Santé, les archives de l'Institut Pasteur ne révèlent aucun cas de peste. Pourtant, cette maladie a sévi durant différentes époques de son histoire. C'est en tout cas ce que nous apprend une étude du Centre national de recherche scientifique français (CNRS) qui répertorie notre pays parmi les foyers anciens et considérés comme éteints. Kahaïlia démontre le contraire. S. L.