L'information est officielle depuis mercredi, à 20 heures, l'heure à laquelle le laboratoire du CHUO a pu confirmer les analyses des prélèvements effectués sur les premiers patients. Ainsi, 10 cas de peste bubonique, en tout, ont été confirmés par le ministre de la Santé, M. Aberkane, venu en urgence, jeudi, au CHUO, accompagné du professeur Kellou et de plusieurs épidémiologues de l'Institut Pasteur. Sur les 10 malades, 9 sont originaires du même endroit, le douar Kahaïlia, dans la commune de Tafraoui, à l'ouest d'Oran. Issus de familles différentes, leur âge varie énormément. La dixième personne atteinte de la peste est une jeune femme qui a été hospitalisée jeudi. Elle réside au quartier Boulanger à Oran-ville. Le premier décès est celui d'un enfant de 11 ans qui habitait Kahaïlia. Son décès est survenu le 4 juin au niveau du service pédiatrique du CHUO, avons-nous appris. “Ce garçon, dira le ministre, a été hospitalisé dans un état très grave présentant une grave infection”. Mais les médecins n'ont pas immédiatement pensé qu'ils sont devant un cas de peste. “C'est une maladie éradiquée et nous n'avons jamais eu de cas en Algérie, ce n'est qu'avec les autres cas que le rapprochement a été fait”, expliquera encore, en substance, M. Aberkane. Pour l'heure donc, les 9 patients sont hospitalisés au service infectieux (ex-Garnison) relevant du CHUO et ce, depuis le 9 juin. Nous avons accompagné le ministre dans ce service où il s'est entretenu avec l'une des malades. Sur place, les médecins ont confirmé l'amélioration de l'état de santé des malades auxquels on a immédiatement administré des antibiotiques. Durant la rencontre qu'il a tenue avec le wali, le directeur de la santé, le DG du CHUO et les médecins spécialistes, le ministre a tout fait pour se montrer serein et surtout demander à ce qu'il n'y ait pas de mouvement de panique. Et d'expliquer que si l'on se trouvait effectivement devant des cas de peste pour la première fois, selon lui, en Algérie, la peste bubonique n'est pas la plus grave, à condition évidemment que le traitement soit administré le plus rapidement. “La peste bubonique se soigne avec des antibiotiques, et ceux-ci sont disponibles...”, dira-t-il. Et d'ajouter à l'adresse des médecins et de la presse : “La peste est présente dans de très nombreux pays, elle est banalisée. Jouons notre rôle, organisons-nous !” Le professeur Kellou dira, pour sa part, que “l'on peut parler étymologiquement d'épidémie puisque l'on passe ainsi de 0 cas de peste à 9”. M. Aberkane et ses accompagnateurs expliqueront alors longuement que la peste bubonique se transmet à l'homme par des piqûres de puce et des morsures de rat infecté. Devant ce qui semble être un foyer de peste à Kahaïlia, l'une des premières mesures prises par la cellule de crise, installée au niveau du CHUO, et ce, en concertation avec les autorités locales et les forces de sécurité, a été la mise en quarantaine de ce douar. Pour ce qui est du cas avéré au niveau du quartier Boulanger, il n'y aurait pas eu encore de mise en quarantaine. Il faut d'abord faire une enquête épidémiologique, nous dit-on, qui touchera l'entourage de la malade et les autres habitants les plus proches. Le plus rapidement possible, les autorités locales, avec l'appui des associations, vont lancer une vaste campagne de dératisation, de ramassage des ordures et de désinfection qui touchera, en priorité, Kahaïlia mais qui devrait s'étendre à tout Oran. La deuxième ville d'Algérie est devenue, en l'espace de 10 ans, un immense dépotoir à ciel ouvert. Les amoncellements d'ordures se trouvent à tous les carrefours, dans les quartiers périphériques. La situation d'hygiène est pire. Les enfants ont pour aire de jeu des décharges sauvages causées par le laxisme, le manque de civisme de leurs propres parents. Rats et souris y pullulent. Les gens n'ont plus de notion de propreté et d'hygiène une fois le seuil de leur porte franchi. C'est grave. Cela, outre l'abandon de toutes les tâches d'entretien que les services de l'APC n'assurent quasiment plus. Résultat : Oran se retrouve avec le fléau de la peste derrière ses murs. Dans l'imaginaire collectif de la population, la peste est l'un des plus terribles fléaux qui peut frapper l'homme. F. B. La peste bubonique La peste est considérée par l'OMS comme une maladie réémergente dans le monde. C'est une maladie à déclaration obligatoire. En 1999, 14 pays ont notifié à l'OMS 2 603 cas dont 212 mortels. Le bulletin de l'OMS précise encore qu'au cours de la dernière décennie, l'Afrique a notifié 76,2% de cas et 81,8% de décès. Des foyers sauvages de peste persistent dans de nombreux pays : l'Iran, Madagascar, l'Inde, le Pérou. Des cas sont même signalés aux E.-U. La peste bubonique, qui touche donc Oran, se transmet à l'homme par des morsures de puce et de rongeur infecté. Les premiers symptômes se résument à une forte fièvre, un état de grande fatigue, une pâleur, etc. Le symptôme de l'infection est l'apparition d'un bubon sur le périmètre de la morsure ; il se développe généralement au niveau des ganglions, à l'aine par exemple. Le taux de létalité est de 50 à 70% en l'absence de traitement. Deux autres types de peste existent : la peste septicémique et la peste pulmonaire qui est la forme la plus grave et la plus contagieuse. F. B.