Les concours et les jeux sont un vice qui a fini par atteindre le monde entier. Tout le monde tente sa chance puisque le rêve est marchandé et l'illusion permise. Après la Star Academy ou l'école des casseroles, voici venir, le temps d'un spectacle théâtral, Zawadje Academy ou l'école du mariage. Le principe : deux êtres que tout sépare devront tenter de trouver un moyen d'entente pour une alliance sacrément payante puisqu'en plus de trouver leur moitié, ils empocheront un chèque qui pourra peut être rendre leur union possible et… vivable, voire supportable. Le mariage est un acte de conscience, un engagement à vie, une responsabilité, une charge symbolique, une corde au cou, un acte consentant et consenti entre les deux parties et une union impossible entre deux sexes qui s'opposent, qui se rejettent, se critiquent sans cesse mais qui s'attirent pourtant. Mais qu'en est-il lorsqu'il est question d'intérêt, de jeu, d'argent et de concours ? La réponse à cette interrogation est largement développée dans la pièce, Zawadje Academy ou Mariage académique. Produite en 2007, dans le cadre de la manifestation “Alger, capitale de la culture arabe”, Zawadje Academy, écrite par Hocine Tayleb, mise en scène au cours d'ateliers, et incarnée avec brio par Lamri Kaouane et Tounes, a été représentée hier et avant-hier au Théâtre national algérien Mahieddine-Bachtarzi. La pièce raconte l'histoire de M'barka et Kouider, deux candidats à un concours télé qui se retrouvent finalistes, et qui sont appelés à s'apprivoiser et à trouver un terrain d'entente, voire décider de se marier, afin de gagner le concours et d'empocher le pactole. Mais c'est sans compter sur leurs différences, qui prennent souvent le dessus sur leurs similitudes et affinités. En effet, M'barka est raffinée, distinguée, féministe sur les bords et un petit chouia snobe. Kouider, de son côté, est macho, sexiste, brute et quelque peu rude. Le public, relativement nombreux, a beaucoup ri des aventures tumultueuses et passionnées des deux protagonistes qui se soutiennent envers et contre tous, car dès que l'un perd espoir et souhaite décrocher, l'autre le rattrape et le soutient, pour ne pas flancher. La mise en scène est intéressante et l'occupation de l'espace a été très au point, mais le texte est en quelque sorte vacillant avec cette fâcheuse impression que l'auteur n'a pas réellement maîtrisée son sujet. En effet, Hocine Tayleb a travaillé sur les clichés et les stéréotypes qui séparent les deux sexes. Par exemple, l'anecdote du bus et des “caleurs”, largement développée par l'humoriste Fellag dans ses spectacles, n'est vraiment pas brillante. C'est une redondance et un sujet consommé qui ne signifie que fainéantise et paresse. En fait, cela devient lassant de constater que dès lors qu'on parle d'hommes et de femmes, on exploite les mêmes thèmes et les mêmes codes. De plus, l'utilisation de la danse, de la chorégraphie ainsi que le chant au théâtre est tout à fait légitime puisqu'ils constituent une variation. Mais ce qui est intolérable, voire inexcusable, c'est l'utilisation de ces procédés pour remplir le vide qu'il y a dans le texte. C'est ce qui ressort en tout cas de ce spectacle. En revanche, l'interprétation des deux comédiens est extrêmement bien maîtrisée et leur complicité est l'une des réussites de Zawadje Academy. D'ailleurs, Lamri Kaouane est imposant surtout par sa voix, mais la caractérisation de son personnage n'est pas tout à fait au point puisqu'on est encore, malheureusement, dans “l'extirpation” des personnalités de la rue… Le bon côté des choses, c'est qu'à aucun moment on ne décroche, le public est emporté, embarqué avec les personnages qui l'associent à leur jeu. D'ailleurs, deux spectateurs ont été invités sur scène pour une bagarre improvisée. Par ailleurs, il n'y a pas que de l'humour dans Zawadje Academy, car la pièce critique avec virulence la société, l'ordre actuel et même les gouvernants. En somme, Zawadje Academy, c'est du spectacle, de l'humour et de la satire. Un beau moment de théâtre ! Sara Kharfi