Dans le cadre de la manifestation Escales Cultur'Elles, organisée par le ministère de la Culture, le cinéma a eu une grande part et plusieurs documentaires, longs et courts métrages qui gravitent autour du thème de “la femme”, ont été projetés à la salle El Mouggar, notamment Douar Enssa de Mohamed Chouikh, L'envers du miroir de Nadia Cherabi-Labidi, El Manara de Belkacem Hadjadj, Khti de Yanis Koussim, H'nifa une vie brûlée de Ramdane Iftini ou encore Mal Watni de Fatima Belhadj. Parmi tous ces films proposés, un court métrage se dégage du lot, à savoir, Houria du jeune réalisateur Mohamed Yargui, qui a reçu notamment le Taghit d'or du court métrage dans sa première édition en 2007, mais également l'Ahaggar d'or du court métrage au Festival du film arabe d'Oran et ce, la même année. Incarné par Rania Serrouti, Lynda Salam et Larbi Zekkal, le film raconte l'histoire d'une femme, Houria, qui retourne au bercail cinq années après son viol. Rejetée par son père et sa sœur, Houria revient malgré tout chez elle et tente de reprendre sa vie là ou elle l'avait laissée. Mais les blessures du passé pas encore cicatrisées remontent très vite à la surface, et elle ne parvient pas à vivre normalement puisque le fardeau est trop lourd surtout lorsque son entourage lui reproche les sévices qu'elle a subis. D'ailleurs, son père ne lui adresse pas la parole et sa sœur lui montre un visage sympathique et compatissant, mais dans le fond, elle ne peut s'empêcher de lui en vouloir. Houria ne peut tourner la page surtout lorsqu'elle revoit son violeur. Elle le tue, mais son drame est beaucoup plus profond et bien plus grave, car le meurtre ne gomme pas et n'efface pas non plus le mal qu'il lui a fait. Le propos du film est très intéressant, puisqu'il pose un regard à la fois critique et lucide sur la société algérienne étouffée par les tabous, surtout lorsqu'il s'agit de la femme. Le jeune cinéaste, Mohamed Yargui, qui a également signé le scénario, dévoile le drame intérieur d'une victime, tout en démontrant qu'il est des choses qui ne peuvent s'oublier ; qu'il est des évènements qui marquent toute une existence. La victime est stigmatisée. Le sentiment de persécution et de peur s'empare même du spectateur car le scénario est largement réaliste et l'interprétation bien menée et surtout tout en retenue. Si on schématise un peu, on constatera que le père, silencieux durant tout le film, représente la société algérienne, renfermée sur elle-même et pleine de contradictions. La sœur symbolise l'hypocrisie sociale et ce semblant d'acceptation de la différence de l'autre qui n'est, en fait, que leurre et artifice. La transe dans laquelle entre Houria dans le film a un effet cathartique. En effet, la transe, selon certains, est une manifestation de la frustration et constitue une des expressions les plus répandues dans notre société. L'image du violeur devient celle d'un bourreau qui plombe l'existence de la victime, puisqu'elle le voit et le revoit là où elle va… Il devient pour Houria un masque que tous les hommes portent, l'empêchant ainsi de mener une vie normale. La normalité n'existe plus pour Houria ou du moins la pseudo-normalité puisque c'est elle qui est dans le vrai et qui voit avec clairvoyance le monde qui l'entoure. Houria est un très bel hommage à la femme, puisqu'il réussit à la voir dans sa nature, sa sensibilité, sa fragilité et ses échecs. Mohamed Yargui qui signe avec Houria son deuxième court métrage (après Au bout du tunnel qui abordait la question du chômage) est parvenu à ne tirer que le meilleur des femmes pour faire un petit chef-d'œuvre dramatique qui mérite d'être vu et revu ! L'image de la femme au cinéma Par ailleurs, Escales Cultur'Elles aura permis de voir ce qui se fait comme cinéma en Algérie autour des femmes. Et on constate, non sans déplaisir que la femme n'est pas encore sortie de la hogra, de l'oppression et des tabous. Dès qu'il est question de femme, il est également question de patriarcat, de domination et de répression. De plus, nos cinéastes abordent la femme avec un côté à la fois grave et sérieux, dépourvu de légèreté, mais ce n'est pas le plus grave. Ce qui l'est, c'est ce semblant d'hypocrisie et cette image idyllique que se font nos scénaristes de l'Algérie. Dans L'envers du miroir, par exemple, la femme subit des abus de la part du beau-père et non du père ou du frère qui est plus courant dans la vraie vie. En plus, elle est sauvée par un homme bon et humble qui l'héberge chez lui sans rien lui demander en retour… Ce qui s'apparenterait presque à de la science-fiction !Par conséquent, il est des choses dans la vie qui ne trouveront jamais d'élucidation. L'autocensure de nos cinéastes et le ménagement des sensibilités des spectateurs lorsqu'il est question de la femme, sont de ceux-là. Or, le cinéma dérange, brise les chaînes, casse les silences et pose les véritables questions. À bon entendeur ! Sara Kharfi