Cinq programmes complexes, dont le premier Eco-Lumière, seront incessamment lancés, et des projets colossaux comme “l'étiquetage énergie” des équipements électroménagers sont autant d'actions inscrites dans la Stratégie nationale de la maîtrise de l'énergie engagées par l'Aprue (Agence nationale pour la promotion et la rationalisation de l'utilisation de l'énergie). Ces projets s'inscrivent dans le programme quinquennal lancé par l'Aprue. Sans date butoir, ils débordent, si besoin est, sur l'année qui suit. Car toute la difficulté réside dans ce qu'on pourrait appeler le feed-back du “marché” et de comment citoyens et secteurs ciblés les appréhenderont. Pour l'Aprue, la portée de ces programmes dépend étroitement de la qualité de la campagne médiatique de sensibilisation et d'information (radio, télévision et presse écrite) précédant leur lancement effectif. Selon le premier responsable de cette agence, M. Bouzeriba, c'est la Conférence internationale sur la maîtrise de l'énergie dans un contexte d'économie de marché qui a impulsé cette dynamique. “Nous sommes sortis avec un certain nombre de recommandations et une stratégie visant l'implication de tous les acteurs : les banques, les ministères, les associations et le partenariat”, explique-t-il. Convaincu et “conscient” que le citoyen algérien ne pourrait véritablement jouer un rôle positif que s'il y trouve un intérêt concret (des économies substantielles) – la maîtrise de l'énergie intéresse en premier lieu les consommateurs – les responsables de l'agence en question annoncent le lancement, prochainement du programme national Eco-lumière. Sachant que l'éclairage domestique est à l'origine de 32% de la consommation électrique des ménages et qu'il est responsable de la formation de la pointe de puissance nationale, il est prévu la diffusion dans un premier temps sur le marché de 1 million de lampes à basse consommation (LBC). Rendre effectif Eco-lumière, en introduisant les LBC dans les foyers en remplacement des lampes à incandescence en vue de réaliser une réelle économie d'énergie mais aussi favoriser l'émergence d'un marché national de ces lampes économiques, est tributaire d'une campagne, tambour battant, de sensibilisation qui se veut de qualité. C'est tout le deal. Il va sans dire que Sonelgaz est et reste le partenaire privilégié de l'Aprue, notamment dans cette opération. Par ailleurs, l'agence de rationalisation de l'énergie compte lancer des campagnes de mesures auprès des ménages. Le schéma national de la consommation énergétique, établi sur la base d'une étude prospective à l'horizon 2025, a permis en effet de déterminer quel serait l'impact de la maîtrise de l'énergie si l'on appliquait des mesures volontaristes dans les secteurs du bâtiment, de l'industrie, du tertiaire et des transports. “Nous avons étudié plusieurs scénarios, et en fonction de chaque politique, nous avons établi le potentiel d'économie engrangé qui tourne autour de 6 millions de tonnes équivalent pétrole, soit 18 à 20% d'économie d'énergie d'ici 2025. Pour les scénarios, nous avons privilégié les mesures ne requérant pas trop d'investissement (pour les usages domestiques : l'éclairage, le chauffage de l'eau sanitaire… ) sachant que le bâtiment vient en tête avec 40% de la consommation énergétique.” Pour le lancement de ses programmes Eco-lumière, Eco-Bât, Top-Industrie, Prop-Air et Al-Sol, lesquels sont voulus pérennes, l'Aprue compte sur la campagne médiatique qui va accompagner leur mise en œuvre. “C'est aussi la qualité de ces campagnes qui va nous permettre d'atteindre nos objectifs. Si nous n'expliquons pas aux Algériens de quoi il s'agit, ils n'adhèreront pas !” argue M. Bouzeriba. Néanmoins, le programme Al sol (diffusion de 1 000 chauffe-eau solaires pour les ménages individuels) visant le développement des énergies renouvelables et, par voie de conséquence, la protection de l'environnement des effets néfastes du système énergétique, permettra aux ménages de faire une économie sur l'année de 80%. Le Fonds spécial de l'Aprue permettra de subventionner cet équipement à hauteur de 50% du coût du chauffe-eau sachant que le prix de ce dernier avoisine 120 000 DA. Ce programme a pour autre objectif le lancement, à moyen terme, d'une industrie locale du chauffe-eau. Pour l'Agence nationale pour la promotion et la rationalisation de l'industrie, il est aussi question de promouvoir l'utilisation du GPL comme modèle de consommation énergétique, connu pour compter parmi les carburants les plus propres et les moins chers sur le marché. Un travail de longue haleine vu que le parc automobile dépend à 94% aujourd'hui des produits pétroliers avec une prédominance pour le gasoil. M. Bouzeriba parle de diésélisation accrue. Afin d'encourager les propriétaires de véhicules particuliers à opter pour le GPL, il leur sera proposé une contribution à hauteur de 70% du coût du kit installé. Top-Industrie est un programme s'inscrivant dans le cadre des actions sectorielles de l'Aprue qui cible, entre autres, les établissements industriels. “Les grands consommateurs d'énergie, voire les industriels (avec 2 000 tonnes équivalent pétrole), les transports (1 000 tonnes équivalent pétrole) et le secteur tertiaire (1 000 tonnes équivalent pétrole) ont tout intérêt à mettre en œuvre les recommandations relatives à la maîtrise de l'énergie stipulée par la loi. En parallèle, nous sommes en train de former ce qu'on appelle les hommes énergie. C'est une fonction qui devrait permettre aux entreprises de mieux gérer leur facture d'énergie et de suivre les actions d'économie d'énergie”, ajoute le premier responsable de l'Aprue. Et d'ajouter : “Nous sommes aussi en train de former un corps d'auditeurs énergétiques privés, car ce n'est pas à l'Aprue de faire le suivi et la programmation. Nous avons également lancé des formations en direction de ces bureaux d'études. L'Aprue a pour rôle de convaincre le citoyen, notre rôle est d'aider les ménages à comprendre qu'ils sont acteurs de la maîtrise à part entière. Nous veillons à éliminer tous les obstacles qu'ils soient réglementaires ou autres en vue de créer un marché de la maîtrise de l'énergie.” C'est là l'un des trois principaux objectifs de la politique nationale de l'énergie. En outre, l'Algérie étant tributaire des hydrocarbures, il va sans dire que moins nous consommons, plus nous préservons et gardons en stock, ce qui est très important. Ces ressources permettent à l'Etat de construire des hôpitaux, des écoles, etc. Il y a aussi le volet lié à la conservation de l'énergie via la découverte de nouveaux gisements, donc des ressources additionnelles. Enfin, le troisième objectif concerne les retombées bénéfiques sur l'environnement. Selon M. Bouzeriba, “tous les pays sont unanimes pour dire que l'efficacité énergétique est une réponse appropriée à la problématique environnementale. C'est la consommation du pétrole qui est sans conteste à l'origine de la pollution avec un taux d'émission de gaz à effet de serre (GES) avoisinant les 80%”. Dans la loi sur l'énergie, l'efficacité énergétique doit être respectée quel que soit le projet d'infrastructure. La loi sur les hydrocarbures prévoit, semble-t-il, l'interdiction du torchage d'ici l'horizon 2010. Pour ce qui est des normes et des exigences spécifiques d'efficacité énergétique appliquées au bâtiment, la concrétisation passera par le programme Eco-Bât qui vise la réalisation de 600 logements à haute performance énergétique. “Ces logements intégreront les principes de confort thermiques et d'économie d'énergie dans la conception architecturale, le choix des matériaux de construction, etc.”, est-il indiqué. Abordant la question d'en savoir davantage sur le contexte algérien : est-il favorable au changement dans les “comportements” ? Y a-t-il une prise de conscience ? La culture environnementale a-t-elle une chance de devenir une seconde nature ? Le ton est à l'optimisme. “Je pense que chez nous, les citoyens ne demandent qu'à avoir la bonne adresse. Prise de conscience citoyenne ? On y arrive. Il y a un changement substantiel, on en parle, il y a une évolution positive. La volonté politique y est. Nous avons une approche différente de celle de nos voisins tunisiens ou marocains qui usent de la fibre nationaliste comme cheval de bataille. Chez nous, nous ciblons le porte-monnaie pour susciter l'intérêt du consommateur”, conclut le directeur général de l'Aprue. Des mesures règlementaires spécifiques sont en cours d'élaboration, c'est le cas de l'étiquetage. Il est question de s'aligner sur la réglementation européenne. “Nous allons proposer un étiquetage énergétique (chaque équipement devra obligatoirement comporter un étiquetage énergie qui renseigne, sur la base d'une classification par l'échelle et la couleur, le consommateur selon un critère de sélection. Ce que nous voulons, c'est renseigner les ménages sur les coûts d'utilisation de leur équipement, en l'occurrence les équipements électroménagers qui inondent le marché”, ajoute Mme Djelouah Nadia, chef de département “Etudes et Planification” au niveau de l'Aprue. Une étude initiée par l'agence a, en effet, prouvé que les réfrigérateurs et les climatiseurs disponibles sur le marché sont très énergivores. C'est pourquoi il est question de l'introduction des normes de performance : classe de A à G (pour les équipements énergivores) et de travailler en étroite collaboration avec les industriels pour intégrer au maximum l'efficacité énergétique. En Europe, il a fallu dix bonnes années pour interdire la classe “G”. Les étiquettes en sont à la phase de réglementation, avec trois arrêtés interministériels signés, trois autres sont en cours de publication. “Nous allons organiser des manifestations, inviter les industriels et les associations de consommateurs… ”, conclut notre interlocutrice.