À 34 ans, Andry Rajoelina, le jeune maire d'Antananarivo, hérite des pouvoirs présidentiels à Madagascar pour une période de transition de deux ans, après la démission forcée du président en exercice. Tout a commencé en décembre dernier lorsque des manifestants ont investi la rue pour protester contre la dégradation de leur situation sociale et contre la fermeture d'une chaîne de télévision privée appartenant au maire, à laquelle il était reproché d'avoir diffusé un entretien avec l'ancien président Didier Ratsiraka. Trois mois de manifestations soutenues, marquées par des violences qui ont occasionné 100 morts, ont permis une fulgurante ascension du jeune leader et l'ont mené au pouvoir suprême, malgré le refus obstiné du président de démissionner. Plusieurs griefs sont retenus contre ce dernier. Les Malgaches lui reprochent, entre autres, de n'avoir pas entrepris des réformes depuis sa première élection en 2002, d'avoir laissé s'aggraver la dégradation du niveau de vie, de museler l'opposition et, par-dessus tout, une certaine propension à l'affairisme. La partie de bras de fer engagée entre le président Ravalomanana et son opposant a commencé à tourner en faveur de ce dernier lorsque l'armée est rentrée dans le jeu. L'institution militaire a commencé par refuser de s'impliquer dans des opérations de répression des manifestants, puis a lancé un ultimatum de 48 heures aux parties engagées dans le conflit pour trouver une solution politique et s'est partiellement mutinée avant de prendre d'assaut les bureaux de la présidence et contraindre à la démission M. Ravalomanana, qui a confié ses pouvoirs, mardi en milieu de journée, à un directoire militaire. Quelques heures plus tard, le vice-amiral Hippolyte Rarison Ramaroson, désigné à la tête du directoire en sa qualité d'officier le plus ancien dans le grade le plus élevé, a remis à son tour le pouvoir entre les mains d'Andry Rajoelina. "Nous refusons catégoriquement le directoire (et) nous conférons totalement le pouvoir à Andry Rajoelina pour présider la transition", a-t-il déclaré. L'ordonnance qui confère les pleins pouvoirs à Rajoelina a été signée, selon un ancien président de la Haute Cour constitutionnelle qui a tenu à préciser que c'est conforme à la Loi fondamentale du pays. Aussitôt après son entrée triomphale dans le palais présidentiel, dans une intervention téléphonique faite à la chaîne française d'information en continu LCI, le nouvel homme fort de la grande île de l'Océan indien a déclaré : "Je suis à la tête du gouvernement de transition qui prépare l'élection présidentielle anticipée d'ici à 24 mois. Donc vous pouvez m'appeler Président." Rien n'a filtré sur l'endroit où pouvait se trouver, mardi, le président déchu. Mais on évoque avec insistance l'hypothèse de son départ à l'étranger, sa famille ayant déjà quitté le territoire malgache. Le secrétaire général des Nations unies a "pris note" de la démission de M. Ravalomanana, mais se dit "gravement préoccupé." Réagissant mardi soir, l'Union africaine s'est surtout inquiétée de la sécurité du président partant et a demandé qu'elle soit assurée. Pour sa part la France, ancienne puissance d'occupation, a appelé les Malgaches à rechercher des solutions entre eux et a annoncé l'envoi d'un ambassadeur dans les prochains jours. La crise vécue par la jeune démocratie malgache est aussi originale que pleine d'enseignements. La ténacité du mouvement de protestation en dépit d'une répression meurtrière mérite d'être soulignée. Mais c'est surtout la dignité de l'attitude des militaires qui est à méditer, tout particulièrement sur le continent africain où les armées putschistes se manifestent trop souvent. M. A. Boumendil