C'est aujourd'hui que la campagne électorale commence. Ou se poursuit. C'est selon. Les manifestations vont se multiplier. Et les slogans vont se dévoiler. Le slogan, c'est cette formule publicitaire qui, sans être nécessairement intelligible au premier degré, rend compte de la spécificité de la proposition commerciale ou politique. Elle doit être, de manière directe, suggestive ou subliminale, des attributs ou des avantages du produit vanté. C'est souvent ce qui reste quand on a tout oublié d'une campagne. Qui a oublié le “la force tranquille” de Mitterrand et qui oubliera le récent “yes, we can” d'Obama ? Regardons les slogans disponibles de la cuvée nationale 2009 ! En commençant, à tout seigneur tout honneur, par la dame. “Parce que la souveraineté populaire est l'immunité nationale, la parole est au peuple !” Discours trop long par souci d'explicitation, mais trop court par souci de ne pas indisposer. Car enfin, “la souveraineté populaire” est “l'immunité nationale” contre quoi ? La pauvreté ? La pollution ? Le sida ? Ou la dictature ? Un si long message pour se garder de dire ce qui va changer quand elle aura donné “la parole au peuple”. Hanoune en aura trop dit pour ne pas en dire assez. Elle n'ose apparemment pas dire que le problème du pays, c'est l'autoritarisme. Elle propose le remède sans nommer le mal. Ce qu'elle a toujours fait depuis une décennie. Slogan à oublier ? Long comme un programme, et cependant incomplet comme un discours de Hanoune, il sera de toute manière difficile à retenir, ne serait-ce que jusqu'à la fin de cette chronique. Bouteflika a choisi la formule “pour une Algérie forte et sereine”. Succinct, le slogan frappe par le choix des attributs visés : la force et la sérénité. Le candidat se place, ici, sur le registre patriotique, énonçant l'état auquel il veut porter le pays. La promotion du pays au statut de nation forte suffit à justifier l'investissement du citoyen dans l'élection du candidat. En même temps, le concepteur de la devise semble suggérer la pertinence du choix d'un candidat “fort et serein”. Il s'agit à l'évidence d'une adaptation du message conçu par Séguéla pour Mitterrand, par lequel il voulait inculquer au public et aux adversaires la conviction qu'il avait d'être un président inamovible. L'argument ne fait pas référence aux retombées de cette élection sur le citoyen, mais le message subliminal est décisif : on ne s'attaque pas aux forts et on ne se range pas du côté des faibles. “Le changement maintenant, pas demain” de Mohamed Saïd pèche par tautologie : si c'est maintenant, c'est forcément pas demain. Sans obliger le candidat à définir ce qui va changer, parce qu'on peut supposer qu'il a perçu l'aspiration générale au changement, on peut tout de même lui demander : le changement vers quoi ? Surtout qu'il n'est pas seul à se poser comme alternative. Enfin, à jouer le jeu de l'alternative. Moussa Touati plaide “pour la justice et l'équité”. C'est concis, avec un message d'une extrême étroitesse, mais rébarbatif : c'est presque “justice et justice”. Comme quoi on peut être court et se répéter. Fawzi Rebaïne, lui, semble avoir tout compris : ni programme ni slogan. Après tout, à quoi cela servirait-il ? M. H.