Aïn Témouchent vit une ambiance électorale particulière. Banderoles, appels au vote, portraits de candidats affichés à même les murs et les enceintes des commerces, mais aussi des permanences électorales sont autant d'indices d'une ville qui sort de sa torpeur après une décennie rouge, suivie d'un violent séisme en 1999. À Aïn Témouchent, tous les échos convergent, “pas question de laisser passer cette chance surtout qu'il s'agit d'une élection présidentielle”. Sans prétendre battre le record en matière de taux de vote, les Témouchentois ne jurent que par une participation massive. Et pour cause, ils se souviennent encore de cet élan de solidarité national manifesté par toutes les régions du pays en 1999 lors du séisme qui avait tout dévasté. Comme ils se souviennent des moments difficiles vécus par ces populations pour la reconstruction de la ville pendant que les autres localités étaient focalisées sur le développement et l'épanouissement. Le nombre de votants dépasse de loin les 247 000 inscrits sur les listes électorales, avec 11 000 nouveaux inscrits recensés, contre 6 000 radiations dues essentiellement au changement de résidence, notamment après la livraison de nouveaux quotas de logements, tous segments confondus. Rencontrés au centre-ville d'Aïn Témouchent, des terroristes repentis depuis 1999 et 2000 affichent clairement leurs positions. “Nous appelons les citoyens à voter en masse. Seules les urnes trancheront”, nous disent-ils comme pour lancer un énième appel aux pouvoirs publics afin d'accélérer les dispositions de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale. Certains privés de leurs droits civiques, selon les crimes qu'ils avaient commis quand ils étaient au maquis sous la houlette du groupe terroriste Al-Ahwal, dirigé par le sinistre Kada Benchiha, n'hésitent pas à se prononcer en faveur du candidat fort du moment, en l'occurrence Bouteflika. C'est que ces terroristes repentis s'impliquent dans un décor électoral qui s'emballe de plus en plus à la faveur d'une campagne aux multiples facettes. D'abord, celle du taux de participation, ensuite celle de l'appel du pied aux autres terroristes qui continuent encore à semer la terreur sous la houlette du GSPC affilié à la branche d'Al-Qaïda au Maghreb. “Ils ne sont pas nombreux. Moi, personnellement, j'ai quitté le maquis, c'est parce que la main étrangère y était pour beaucoup de choses. Certes, il y a des insuffisances dans l'application de la charte, mais nous ne demandons pas le ciel. Après tout, j'ai mené 61 actes terroristes au maquis, maintenant je dois mener un autre combat pour ma réintégration aux côtés de mes frères algériens. Nos problèmes doivent être réglés au cas par cas. Et cela prendra autant de temps”, nous dira tout de go cet ex-terroriste de Tamzoura. Son acolyte, qui était au maquis de Berkèche, cuisinier de son état dans les casemates, semble regretter son affiliation à l'ex-Armée islamique du salut (AIS). Il s'est inscrit à l'Agence nationale de l'emploi et attend son rendez-vous impatiemment pour le mois d'avril prochain. “Moi, je voterai pour le candidat utile. Tous les candidats ont leurs positions que je respecte. Y compris Louisa Hanoune ! Mais j'estime que Bouteflika a complètement bouleversé les choses depuis 1999. Je le dis en mon âme et conscience”, témoigne-t-il non sans reconnaître les horreurs qu'il avait commises contre les Algériens. Son “ami” islamiste l'interpelle : “On doit appeler chaque Algérien par son nom, mais d'abord par son statut. Je ne dirai jamais Bouteflika. Il s'appelle le président Bouteflika. Et que tu le veuilles ou pas, c'est ton Président. Hier (arrêt du processus électoral en 1991, ndlr), l'Etat avait décidé ainsi, aujourd'hui, la donne a changé”. Il se souvient du détail de la guerre intestine entre le Groupe islamiste armé (GIA) et les factions idéologiques qui allaient virer vers le GSPC. L'autre repenti, étudiant, comme d'ailleurs son voisin, enseignant de son état pendant 17 ans, témoigne des horreurs des groupes armés dans les maquis. Ils convergent dans leurs visions : “On nous a présentés devant la justice sans connaître les reproches. Moi, j'ai passé 10 ans en prison et l'autre 6 ans, jusqu'en 1999. Aujourd'hui, faute d'une réintégration, on nous a proposé des indemnisations. Le principal est que nous soyons chez nous et libres. Nous touchons 9 000 dinars par mois en attendant des jours meilleurs.” À côté, un repenti plus âgé donne le ton : “Moi ? Je ne vais pas voter. Mais je vous jure que ma femme, au même titre que toute ma famille va voter ! Je préfère prendre mes distances de la politique. Mais, je mènerai campagne au sein de mes proches immédiats pour Bouteflika. Il faut le reconnaître, il a fait beaucoup de choses en 10 ans. Cette discussion aujourd'hui avec vous, les gens de la presse, est un indice que la vie a sensiblement changé. Dites-le alors, je soutiens Bouteflika et c'est mon libre choix.” F. B.