Il suffit d'un petit tour à travers les artères de la ville de Tizi Ouzou, des chefs-lieux des daïras ou des communes, pour se rendre compte que peu de choses indiquent que nous sommes en pleine campagne électorale pour des élections qui devraient avoir lieu pourtant dans moins de quinze jours. Dix jours sont écoulés depuis le début de cette campagne, mais curieusement la plupart des sites réservés à l'affichage demeure toujours vides. Les quelques affiches placardées par les représentants des différents partis politiques en compétition sont souvent partiellement, et parfois entièrement, arrachées comme pour exprimer non pas une indifférence mais une hostilité. Le même constat a été établi dans toutes les localités de la wilaya de Tizi Ouzou. C'est un décor qui contraste avec celui qu'offre habituellement cette région où d'habitude en pareilles occasions, tous les murs, rideaux de magasins et même panneaux de signalisation et poteaux électriques sont couverts d'affiches des candidats en compétition aux élections. Plus étonnant encore, une virée dans les permanences électorales de la majorité des partis politiques, y compris celles ouvertes dans les coins les plus fréquentés de la ville, nous a permis de constater que les citoyens ne sont visiblement plus attirés par la chose politique. À l'intérieur, on ne retrouve généralement que quelques militants s'échinant à rédiger des affiches de meetings dont ils ne sont même pas sûrs qu'ils se tiendront et quelques curieux scrutant les listes des candidats présentés avant de s'éclipser sans prononcer un mot pour se fondre parmi tous ces anonymes qui pressent le pas dans la rue pour vaquer sans doute à d'autres occupations. Durant la première journée de la campagne électorale, 9 meetings seulement sur les 56 prévus dans toute la wilaya de Tizi Ouzou ont pu avoir lieu, a-t-on appris de sources sûres. 47 ont été ainsi annulés faute d'assistance. Les rares meetings qui se tiennent, faut-il le souligner, ne drainent guère des foules importantes et les choses n'ont visiblement pas évolué dans les jours qui ont suivi puisque l'on ne cesse, chaque jour, d'enregistrer plus de meetings annulés que tenus. C'est dire que la campagne électorale n'emballe toujours pas grand monde et n'arrive toujours pas, une semaine après son début, à atteindre sa vitesse de croisière dans cette région connue pourtant pour son intense activité politique et son ambiance “électrique” à l'approche de chaque échéance électorale. Face à cette froideur électorale, les candidats, et même les responsables de partis politiques en lice à cette élection, n'hésitent pas à transformer leurs meetings en rencontre de proximité. Une méthode devenue courante, notamment dans les petites localités et les villages de Kabylie où, le soir venu, les candidats font des tournées dans les cafés pour distribuer des dépliants dans lesquels sont détaillés leurs programmes électoraux et aborder, en aparté ou en groupe, des citoyens avec comme premier objectif de les convaincre avant tout de voter puis, au mieux, de voter pour leur liste. Le premier objectif semble toujours aussi difficile que le second à atteindre. Au niveau des permanences : “Durant chaque campagne électorale, on vient nous exhiber des programmes et surtout nous promettre que les choses vont changer et, une fois élus, on refuse même de nous recevoir pour écouter nos doléances”, nous dira un jeune dans un café maure que viennent tout juste de quitter des candidats en campagne de proximité à Larbaâ Nath Irathen. Dans la ville des Ouadhias, un autre jeune qui observait de loin “un mouvement” de personnes se dirigeant en grappes vers une salle où devait se tenir un meeting du premier responsable d'un parti politique, fera un commentaire assez révélateur de l'état d'esprit de tous les jeunes pour lesquels aller voter ne signifie pas grand-chose. “Qu'est-ce qui changera pour moi si je vote ? J'ai 34 ans et je suis toujours chômeur et ce n'est pas en allant mettre un bulletin dans l'urne que les choses changeront pour moi”, dira-t-il à un de ses compagnons qui répondra, en tentant de le convaincre, de l'utilité de voter : “De toute façon, que nous votons ou non, quelqu'un deviendra forcément maire au lendemain du vote, autant aller voter pour quelqu'un qui pourrait faire quelque chose pour notre commune.” Dans la wilaya de Tizi Ouzou, il est clair en tout cas, et les candidats eux-mêmes le reconnaissent à chaque fois, que la campagne électorale est encore très timide car le citoyen est complètement désintéressé. Un état de fait qui ne décourage toutefois pas les représentants des partis politiques qui restent convaincus souvent par leur expérience que la campagne n'atteint sa vitesse de croisière qu'à partir de sa deuxième semaine. Samir Leslous