Les montagnes sont de plus en plus urbanisées et des cités urbaines s'enfoncent progressivement dans un décor de campagne. On est en présence d'une urbanisation inconsciente, qui en dit long sur le peu d'importance accordée par les parties concernées à l'acte urbanistique,et à un développement effréné de réflexes de ruraux en milieu urbain. En effet, il suffit de voir ces tours érigées sur les montagnes de Chigara, de Hamala, de Bainan, pour ne citer que ces localités, pour se rendre à l'évidence. On est en train d'urbaniser à l'emporte- pièce, de tuer le cachet de ces régions, de dérouter les populations locales, de porter un coup dur dans le dos de la culture et des traditions de ces régions qui constituent autant d'éléments identitaires. Figurez-vous, des immeubles de plusieurs étages avec des locaux commerciaux au rez-de-chaussée,implantés à plus de 1000 mètres d'altitude sur les reliefs de la commune de Chigara, au milieu d'un environnement constitué de plantations d'opuntia, de meules de paille, d'oliveraies, de maisons éparses sur des versants abruptes, d'hommes à dos d'âne et de femmes occupées à retourner la terre ou à cueillir des olives ! À quoi cela peut-il rimer ? Edifier de telles habitations dans un milieu pareil ne rime pratiquement à rien, si ce n'est à l'esprit de complaisance cultivé par ceux qui sont censés donner à l'acte urbanistique sa dimension d'authenticité en adaptant chaque ouvrage architectural au cachet de la région qu'il meublera. Les habitants des régions montagneuses suscitées ne se reconnaissent pas dans ce décor qui est à mille lieues de celui ancestral qui les a toujours couvés et qui a forgé l'essentiel de leur culture et de leurs us et coutumes, à savoir ce décor constitué de mechtas, de maisons en tuile ronde où l'on a suffisamment d'espace pour engranger des monceaux de paille, parquer les animaux, travailler l'argile et la laine et cultiver des oliviers, des figuiers et des opuntias. Sollicité sur la question, lors d'un forum organisé récemment au siège de la wilaya, le DUC de Mila a évoqué, pour toute explication, “le manque d'assiettes foncières dans ces régions”. Ce qui oblige, selon ses dires, la direction de l'urbanisme et de la construction à développer ses ouvrages à la verticale. Parallèlement, dans des agglomérations classées urbaines comme Mila, Chelghoum Laïd, Ferdjioua et Sidi Merouane, on assiste au phénomène contraire. Ces villes sont de plus en plus gagnées par le cachet de ruralité, visible notamment à travers ces troupeaux d'animaux qui déambulent dans certains quartiers, ces espaces couverts de chardons qu'on rencontre partout et ces enclos entourés de barbelés, comme en rase campagne, que des locataires d'immeubles entretiennent sous leurs volets et où l'on cultive aussi bien de l'oignon et de la laitue que les cardes indigènes et les fèves. K. Bouabdellah