Photo : Riad Par Samir Azzoug Près de 3 700 demandes de régularisation de bâtisses ont été déposées auprès des services de l'habitat de la wilaya d'Alger depuis la promulgation de la loi régissant les règles de l'urbanisme de juillet 2008. «Ce n'est pas une loi sanction, mais plutôt une loi de régulation et de réconciliation», insiste M. Mekhlouf Aït Saada, inspecteur général de l'urbanisme au ministère de l'Habitat et de l'Urbanisme. Depuis des décennies, les villes et villages algériens ont pris l'allure de chantiers sans fin. Un aspect qui présente essentiellement deux désagréments majeurs : le premier esthétique et le second sécuritaire (un chantier est un danger potentiel). L'intervenant au forum d'El Moudjahid sur les constructions inachevées et celles illicites a décortiqué les raisons de ce qu'il a appelé «l'état anachronique». Il énumérera les cadres réglementaires et législatifs successifs qui ont conduit à l'urbanisation anarchique constatée de nos jours. «Jusque dans les années 1980, le cadre légal de transfert de propriété existait mais pas le cadre législatif», explique-t-il. Une situation qui privait l'acquéreur de l'acte de propriété. Ce n'est finalement qu'après l'entrée en vigueur de la loi du 18 novembre 1990 qu'une véritable prise en charge du secteur a pris forme à travers de nouvelles orientations foncières incluant des textes sur l'aménagement urbain, domanial, le bien vacant et les expropriations. «A partir de là, c'est l'Etat qui donne le droit de construire à travers le plan directeur de l'urbanisme», explique M. Aït Saada. L'ampleur de la migration des populations vers les grands centres urbains et son accroissement ont accéléré l'anarchie dans le secteur. On construit comme l'on veut, où l'on veut et dans les délais souhaités, c'est-à-dire le plus tard possible. Le nombre de logements recensés en 1967 était de 2 millions et a atteint plus de 6 millions au décompte de 2008. En matière de répartition, en 1987 le taux d'urbanisation atteignait 30% dans les villes et 70% dans les campagnes pour s'inverser au temps actuel. Tout un chantier. Depuis 2000, toujours selon l'inspecteur général, un travail de fond est entrepris pour rattraper le retard. La première phase a concerné la régulation, l'organisation et la viabilité des terrains urbanisés d'utilité publique. «Les améliorations urbaines ont concerné 12 000 quartiers et près de 20 millions de citoyens», annonce-t-il. Pour les questions financières, le programme a bénéficié d'une enveloppe de 17 milliards de DA entre 2000 et 2004 et 305 milliards de DA entre 2005 et 2009. En priorité, le plan a visé les quartiers historiques, les grandes cités du Plan de Constantine, celles des OPGI, les quartiers informels et spontanés ainsi que les lotissements construits sans viabilisation au cours des années 1980-1990. Etape suivante, l'établissement du cadastre national est achevé à hauteur de 80% en zone rurale et 50% dans les villes. S'ensuit la loi 2008 qui impose au maître d'ouvrage d'être propriétaire du terrain, le respect des normes urbanistiques et de construction. Six décrets d'application, deux arrêtés interministériels et une circulaire pour baliser la construction sont promulgués en 2009. La loi «de réconciliation» urbanistique s'attelle à imposer aux bâtisseurs, aussi bien privés que publics, de constructions individuelles ou institutionnelles à respecter les normes d'urbanisme et de construction et à se conformer aux délais induits. Ainsi, les citoyens sont appelés à se conformer en déposant leurs dossiers au niveau de leur commune de résidence pour une éventuelle régularisation. En termes de procédure, il faut savoir que c'est l'architecte qui établit le dossier. Les maîtres d'ouvrage devront le transmettre à l'APC qui se chargera de désigner les agents habilités afin de vérifier la conformité de la construction, établir les PV et transmettre le dossier à la commission de daïra, tout cela dans un délai qui ne saurait excéder 15 jours. Ladite commission, après avis de la Sonelgaz, aura la tâche de vérifier les aspects juridiques et techniques et transmettre le dossier aux services des Domaines dans un délai maximal d'un mois. Ce après quoi, cette dernière se chargera de délivrer ou non le titre de propriété. Malgré un manque flagrant de communication au niveau local, les citoyens commencent à affluer vers les APC pour s'enquérir de leur situation. Ainsi, selon le directeur de l'urbanisme de la wilaya d'Alger, 15 600 retraits de déclarations ont été effectués et plus de 3 700 dossiers déposés. «Le Direction de l'urbanisme de la construction et de l'habitat (DUCH) a réceptionné 1 800 dossiers, dont 1 000 ont été traités et conclus par des accords favorables, sous réserves pour certains, et 800 en cours d'instruction», a annoncé M. Djellaoui Abdelkader. Il faut savoir que la délivrance du titre de propriété n'est pas systématique. En cas de constat d'une infraction légère, le maître d'œuvre peut bénéficier d'un accord favorable sous réserve de rectifier l'anomalie. Mais en cas de danger réel sur la vie des citoyens ou de construction sur un terrain inadapté, la décision de démolition est prévue. La nouvelle loi sur l'urbanisme est certes réconciliatrice mais pas complètement irresponsable. Il reste juste à voir son rythme d'exécution et la rigueur qui va avec.