Yahia H. Zoubir est professeur en relations internationales et en management international à Euromed Marseille, école de management en France. Il est auteur de plusieurs ouvrages et articles, publiés dans des revues spécialisées en Europe, aux Etats-Unis et au Moyen-Orient. Liberté : Comment évaluez-vous la première tournée du nouvel envoyé personnel du secrétaire général de l'ONU pour le Sahara occidental, Christopher Ross, dans la région du Maghreb ? Yahia H. Zoubir : Cette tournée consistait à faire le point de la situation sur le terrain, écouter les opinions des uns et des autres afin de préparer d'une manière efficace le processus de médiation. Christopher Ross est un diplomate aguerri qui connaît bien la région. Il a montré beaucoup de considération pour les Sahraouis, mais plus important, il a parlé du droit du peuple sahraoui à l'autodétermination. Réitérer ce point, c'est envoyer un signal que ce diplomate prend comme base de départ le respect du droit international. M. Ross a inscrit dans son agenda la visite et la concertation avec trois capitales occidentales : Madrid, Paris et Washington. Quelle est votre lecture sur une telle initiative ? James Baker avait fait la même chose lorsqu'il avait été nommé par Kofi Annan et entrepris sa tournée maghrébine. Il ne fait pas de doute que la clé de la solution du conflit se trouve à Paris et à Washington. Donc, connaître le point de vue de ces capitales est important. En ce qui concerne Washington, M. Ross tente de déchiffrer s'il y a une évolution dans la position américaine sous l'administration de Barak Obama… Celle de Bush avait appuyé la position marocaine de la soi-disant autonomie. Il faudra attendre de voir ceux qui occuperont le poste de responsabilité pour l'Afrique du Nord au sein du Conseil national de sécurité à la Maison-Blanche. Mais, il est clair que le départ d'Eliott Abrams est en lui-même une évolution bénéfique à une politique plus équilibrée dans ce dossier. Le Maroc a suggéré au niveau du Conseil onusien des droits de l'Homme, une révision du droit des peuples à l'autodétermination. À quoi rime cette demande ? Si sous l'administration Bush le Maroc avait réussi à vendre son idée d'autonomie, il ne semble pas qu'il en soit de même aujourd'hui. Le Maroc veut faire valoir la notion que l'indépendance du Sahara occidental serait un démembrement de son propre territoire, alors que ce n'est pas le cas, puisque ce territoire n'a jamais fait partie du Maroc. Il faut le répéter : même les pays qui soutiennent le Maroc ne lui reconnaissent pas une quelconque souveraineté sur le territoire sahraoui. Le Maroc veut donc convaincre le monde que certaines notions du droit international doivent être changées, afin d'accommoder l'irrédentisme chérifien. C'est aussi une réponse à M. Ross qui a réitéré le droit des Sahraouis à l'autodétermination. Sur quelles décisions pourrait déboucher, selon vous, la réunion du Conseil de sécurité de l'ONU d'avril prochain ? Pas grand-chose, si ce n'est le prolongement de la Minurso (Mission onusienne pour un référendum au Sahara occidental, ndlr) et l'encouragement des parties à continuer les négociations. Sachant que les 4 rounds de négociation à Manhasset n'ont pas abouti, il semblerait que M. Ross souhaiterait réunir les parties, près de Vienne, dans un cadre plus informel. Le Conseil de sécurité encouragera certainement cette initiative dans l'espoir de briser le statu quo.