Plus d'un demi-millier d'enfants en provenance de la wilaya et d'autres wilayas de l'ouest du pays sont actuellement pris en charge au niveau des huit centres spécialisés dépendant de la Direction de l'action sociale de la wilaya de Tlemcen. Au niveau de ces huit centres spécialisés, nous distinguerons les centres spécialisés de protection, la wilaya en compte trois. Un CSP (filles) sur les hauteurs de Tlemcen (Birouana), un CSP (garçons) dans la commune de Hennaya et un CSP (enfants) à Ghazaouet, d'une capacité actuelle et respective de 50, 80 et 60 jeunes pensionnaires. Ces CSP reçoivent des mineurs en vue de leur éducation et de leur protection. Ils comprennent les mêmes services que les Centres spécialisés de rééducation (CSR). Lorsque le service de post-cure trouve une solution à la réinsertion sociale du mineur, l'affectation de celui-ci est décidée par le juge des mineurs sur proposition du Directeur de l'établissement concerné. La wilaya est notamment dotée de deux centres spécialisés médico-pédagogiques pour inadaptés mentaux, l'un à Remchi et l'autre à Souani, une localité située à la frontière algéro-marocaine. Ceux-ci hébergent respectivement 60 et 100 jeunes pensionnaires. Celle-ci dispose notamment d'un centre spécialisé pour insuffisants rénaux traitant actuellement près d'une centaine de malades, ainsi que deux écoles spécialisées pour jeunes sourds et jeunes aveugles qui traitent actuellement 138 enfants dont 108 sont atteints de surdité. Signalons que la wilaya n'est équipée d'aucun Centre spécialisé de rééducation (CSR), ce qui pose un sérieux handicap à l'accomplissement de la tâche déjà très ardue des équipes spécialisées dans ce secteur. L'absence de ce genre de centre dans la wilaya oblige quand la nécessité s'impose, le placement des enfants délinquants par le juge des mineurs dans les CSP où ils côtoient les enfants en danger moral. Il faut savoir que les CSR sont des centres fonctionnant en internat, ils comprennent un service d'observation, un autre de rééducation et un troisième de post-cure. Ils ne sont pas habilités à recevoir des enfants en danger moral ou des handicapés physiques ou mentaux. Après une étude de la personnalité de l'enfant et la mise en évidence des troubles du comportement, on inculque à celui-ci une éducation morale, civique et sportive ainsi qu'une formation scolaire et professionnelle en vue de sa réinsertion sociale. Le problème de l'enfance en danger a pris une certaine visibilité à travers la wilaya et devant le sentiment d'une réelle urgence sociale, de nombreuses dispositions ont été prises en faveur de ces enfants sous l'oeil attentif du premier responsable de la wilaya qui ne ménage aucun effort en direction de ces pauvres gamins, nous assurent des spécialistes du secteur qui citent pour exemple les fréquentes visites inopinées rendues à ces jeunes enfants par M. Nouri Abdelwahab, le wali de Tlemcen qui reste intransigeant quant au bien-être de cette catégorie de jeunes en marge de la société. Il est du devoir de tout algérien (ne) de veiller à la protection de l'enfant en difficulté car il faut savoir que pour tarir la source d'où proviennent d'abord l'enfance coupable et ensuite la population dangereuse et criminelle, il faut remonter aux conditions qui font l'enfance délaissée et maltraitée, nous expliqueront en d'autres termes, pour conclure, nos interlocuteurs. Après avoir pris attache avec le responsable du SOEMO de Tlemcen, M. Makoudi Hamza. Celui-ci nous fera savoir que ce service est un service de wilaya. Il prend en charge les mineurs délinquants ou en danger moral qui sont mis en liberté surveillée par ordonnance du juge des mineurs ou par une juridiction des mineurs. Ce service est chargé de veiller aux bonnes conditions matérielles et morales de vie des jeunes mineurs qui lui sont confiés, tout en maintenant ceux-ci dans leur milieu habituel de vie. Il surveille notamment leur santé, leur éducation, leur travail et le bon emploi de leurs loisirs. Le SOEMO (Service d'observation et d'éducation en milieu ouvert) de la wilaya dispose de 5 antennes (O/Mimoune, Remchi, Maghnia, Sebdou et Ghazaouet) 86 mineurs sont actuellement suivis par ces services, nous fait-on savoir. Nous traitons des centaines de cas de mineurs de moins de 18 ans par an, soit une moyenne d'un cas par jour. Nous avons aussi en charge le dossier des jeunes immigrants clandestins algériens refoulés d'Espagne, nous fera savoir M. Makoudi. Ce dernier déplore notamment l'absence totale de centre pour autistes à travers la wilaya. Concernant son service, celui-ci soulèvera le problème du manque d'équipements, d'espaces et aires de jeu pour enfants, ainsi que l'absence de véhicules de service, ce qui ne facilite pas la tâche des jeunes psychologues dans leur mission. Dans ce même contexte, nous citerons les propos d'une jeune psychologue clinicienne recrutée dans le cadre du pré- emploi au sein du SOEMO, qui nous affirmera que sur les 7000 dinars de salaire qu'elle perçoit mensuellement, plus de 5000 sont régulièrement engloutis par les frais de déplacement occasionnés pour l'accomplissement de leur mission. Celle-ci dénoncera notamment la discrimination dans l'octroi des postes au détriment des spécialistes recrutés dans le cadre du pré- emploi et oeuvrant depuis des années pour certains au sein du Service de réinsertion de la wilaya. Nous avons tenu à l'issue de la dernière étape de notre enquête à rendre une petite visite inopinée aux jeunes pensionnaires du CSP de Ghazaouet. Situé dans l'ancienne résidence du célèbre auteur d'ouvrages sur la région de Ghazaouet, Francis Llabbador, le Centre spécialisé de protection pour enfants semble être un véritable havre de paix pour les jeunes pensionnaires de l'établissement dont l'âge varie entre 6 et 14 ans. C'est l'unique Centre à vocation scolaire en milieu ouvert à travers toute l'Oranie. Celui-ci est normalement destiné à accueillir les enfants en danger moral, il est d'une capacité de 62 lits, fait savoir le directeur de l'établissement, un vieux baroudeur du social qui semble avoir acquis une solide expérience dans le domaine. Après nous avoir invité à faire le tour des dépendances, celui-ci nous conduira au réfectoire où nous rencontrerons une ribambelle d'enfants attablés devant leur repas de midi dans un véritable brouhaha d'éclats de rire et de voix qui nous donne l'impression d'entrer dans un autre monde coupé de la dure et froide réalité de l'extérieur. Le jeune Salah Eddine a huit ans et il est originaire d'Oran, il est l'aîné d'une famille de huit enfants, sa mère s'est remariée et son beau-père n'a pas voulu l'accepter et l'a flanqué à la rue. Depuis son placement, il n'a reçu aucune visite de sa mère, ni de ses frères et sœurs et ceux-ci lui manquent énormément, nous avoue le gamin. Farés a neuf ans, il est de Aïn Témouchent et est l'aîné d'une famille de trois enfants, son unique désir aujourd'hui serait de passer un week-end entier en compagnie de sa maman et de s'endormir dans ses bras afin de pouvoir sentir son odeur, nous dit-il innocemment. Le jeune Mohamed a douze ans, il est d'Oran. “J'ai quatre frères et sœurs, nous fait savoir celui-ci, j'ai été placé, poursuit le jeune bambin parce que je n'arrêtais pas de fuguer de l'école à cause de mes instituteurs qui n'arrêtaient pas de me battre.” Ces quelques cas visés ici démontrent clairement que la nature enfantine est très souvent bien complexe et que parfois il suffit d'un rien pour faire retrouver à l'enfant un équilibre qui l'aidera à affronter son parcours dans la vie. Le directeur n'omettra pas de nous évoquer au passage les problèmes actuellement rencontrés au niveau du Centre, comme par exemple l'absence de transport scolaire pour les petits pensionnaires, les problèmes de scolarisation, ainsi que l'absence de structures d'accueil pour les parents qui font parfois des centaines de km pour pouvoir passer un moment ou un week-end avec leur enfant. Signalons que la ville de Ghazaouet est dépourvue de structures hôtelières, celle-ci dispose d'un seul hôtel grand standing qui n'est pas à la portée de toutes les bourses. Avant de prendre congé de nous, le directeur nous confiera que le travail de la Direction de l'action sociale à travers la wilaya vise en fait trois objectifs, en l'occurrence protéger l'enfant des dangers de la ville, protéger la société des petits vagabonds qui encombrent les rues et protéger l'enfant de lui-même. Ali Moussa Jamel