La théorie du développement par l'exportation est apparue durant les années 1960 dans les pays du Sud-Est asiatique. Elle s'appuie sur l'industrialisation graduelle orientée vers l'exportation. Ce gradualisme commence par les industries manufacturières intenses en main-d'œuvre et ne nécessitant pas de qualification préalable, suivi par les industries à forte valeur ajoutée par une main-d'œuvre qualifiée et enfin les industries des services. Si nous prenons l'économie de la Corée du Sud comme modèle, nous pouvons remarquer qu'au départ, dans les années 1960, cette économie ne disposait ni de biens d'équipement ni de devises. Il fallait, par conséquent, importer les biens d'équipement de l'étranger par l'emprunt, compte tenu de la pénurie de devises. Mais l'emprunt à l'extérieur pouvait déboucher sur une impasse, s'il n'est pas accompagné par une politique d'exportation. C'est la naissance de l'école de la croissance économique tirée par l'exportation. Le gouvernement va contrôler le commerce extérieur pour empêcher l'importation des biens de consommation et encourager l'importation des biens d'équipement. Pour cela, il met en place un mécanisme de soutien à l'export par la combinaison de la subvention et la manipulation du taux de change. Mais contrairement à ce que dicte la théorie économique, le taux de change est surévalué, parce que, dans cette école, le taux de change est utilisé pour faire supporter l'endettement aux entreprises et non pour rendre les prix des produits compétitifs à l'export. Donc la politique discrétionnaire de manipulation du taux de change est orientée vers la réduction de l'endettement des entreprises et pas vers l'encouragement des exportations. Le gouvernement va utiliser tous les moyens pour encourager les exportations, sauf le taux de change ! L'épargne va être mobilisée par un système bancaire centralisé et sous contrôle étatique. Le gouvernement va mettre en place un système de planification systématique, étape par étape, appuyé sur une politique à caractère sélectif : industries légères puis industries lourdes et industries chimiques, automobiles et constructions navales pour développer une industrie de défense. Le développement de l'agriculture accompagne le développement industriel pour faire de l'agriculture un marché pour les produits industriels. Il y a également une politique dynamique d'apprentissage et d'assimilation des techniques importées pour assurer l'innovation technologique. La proportion des étudiants inscrits dans les filières techniques est supérieure à 30%. Le taux de scolarisation dans le secondaire est passé de 30% en 1966 à 90% en 1995. Dans le supérieur, ce taux passe de 10% en 1970 à 55% en 1995. Cela signifie que 55% de la population en âge d'aller à l'université se trouvent effectivement à l'université, en Corée. À la même date (1995), ces taux étaient respectivement, en Algérie, de 55% et 11%. Au Chili, c'était 70% et 27% ! Les conditions de succès de cette expérience sont d'ordre interne et d'ordre externe. Les conditions internes se manifestent d'abord par un Etat fort. Les militaires sont au pouvoir à la suite d'un coup d'état en 1960. Ils vont créer une alliance entre le secteur privé et l'Etat pour amener les industriels à faire ce que le gouvernement veut. Dans ce système, le gouvernement contrôle, mais soutient le secteur privé. La population a souffert, mais l'Etat fort a pu contrôler la résistance sociale, assurant ainsi la stabilité sociale et politique nécessaire à une croissance économique forte et durable. L'environnement international était favorable à ce type de système du fait de la guerre froide. Les Etats-Unis d'Amérique ont apporté une aide substantielle et ont surtout ouvert leur marché aux produits de l'industrie coréenne naissante. Les liquidités internationales étaient disponibles. Le Japon a joué un rôle important par la délocalisation. Il n'y avait pas de forte opposition contre les politiques protectionnistes : elles étaient acceptées. Comme il est facile de le constater, les conditions internationales ont totalement changé ; ce qui était possible, dans les années 1960 et 1970, ne l'est plus au début de ce troisième millénaire ! À jeudi prochain pour une autre question. Entre-temps, travaillons tous et toutes à l'élargissement de la base du dialogue sur l'avenir de l'Algérie. A. B.