Le professeur George Joffe, enseignant à l'université de Cambridge, est le second témoin de la défense entendu par le tribunal. Un nouvel expert a été entendu, mardi, au tribunal de Westminster à Londres, dans le cadre des auditions portant sur l'extradition d'Abdelmoumène Rafik Khelifa vers l'Algérie. Le témoin présenté par la défense est le professeur Georges Joffe, directeur de l'Institut des études sur l'Afrique du Nord à l'université de Cambridge. En sa qualité de spécialiste du Maghreb et de l'Algérie tout particulièrement, l'académicien dispose également d'une chaire dans les établissements d'Oxford et de King's College. Il est également conseiller auprès du Foreign Office où il est sollicité depuis une vingtaine d'années pour briefer les ambassadeurs britanniques accrédités à Alger. L'intérêt du professeur Joffe pour l'Algérie remonte à trois décennies et fait suite à la crise berbériste de 1980. Son intervention dans le dossier Khalifa consiste à éclairer le juge sur le contexte politique et économique dans lequel l'affaire a éclaté et les liens qui en découlent. À ce titre, il a réalisé deux rapports dont le second comporte une série de mises au point au gouvernement algérien sur la crédibilité des assurances diplomatiques qu'il a présentées au tribunal et relatives à l'indépendance et à l'équité du système judiciaire. Selon l'universitaire, la faillite du groupe Khalifa et la criminalisation de l'affaire relèvent d'une décision politique, appliquée à travers l'exploitation des défaillances techniques dans le fonctionnement de la banque et des autres filiales. Pour sa part, le professeur Joffe ne décèle aucune ambiguïté dans la création du conglomérat. À ses yeux, Rafik Khelifa a hérité d'une petite entreprise familiale qu'il a voulu faire prospérer en profitant du climat d'ouverture économique en vigueur dans le pays. D'ailleurs, il considère l'ascension de l'ancien milliardaire comme la source d'une grande inspiration. Son profil de “jeune entrepreneur dynamique” rehaussait également l'image du pays, estime l'universitaire. À son avis, deux versions peuvent expliquer la raison pour laquelle Khelifa est passé du statut de golden boy à celui de délinquant. Qualifiant le motif de malversation de prétexte, il croit à l'idée selon laquelle un groupe de l'armée aurait envisagé de lancer Khelifa dans une carrière politique, pour faire de l'ombre au Président-candidat, à la veille de l'élection de 2004. Le professeur Joffe pense aussi que l'ancien milliardaire avait déclenché l'ire du chef de l'Etat en décidant de lancer une chaîne de télévision satellitaire, émettant à l'étranger et concurrente de l'ENTV. Il y a un mois environ, le docteur Hugues Roberts, second expert cité par la défense, donnait une explication identique. Par ailleurs, les deux universitaires partagent les mêmes réserves concernant la sincérité des assurances diplomatiques algériennes en matière de fonctionnement de l'appareil judiciaire et de respect des droits de l'Homme. Allant plus loin, M. Joffe a remis en cause le contenu des rapports d'experts réalisés pour le compte de la partie civile. L'un appartient à M. Leydman, haut fonctionnaire au Foreign Office, et le second au Dr Fillali, enseignant à l'université de Constantine et membre de la Commission nationale consultative pour la défense et la promotion des droits de l'homme (CNCDPDH). Selon le professeur Joffe, l'appartenance de M. Fillali à la CNCDPDH écorne la crédibilité de son expertise, compte tenu des liens de cette organisation avec les pouvoirs publics. S. L.-K.