L'Algérie a-t-elle négocié l'extradition de Abdelmoumene Rafik Khelifa ? En d'autres termes, les autorités ont-elles assujetti leur accord sur le transfert de suspects terroristes du Royaume-Uni à la livraison, par leurs homologues britanniques, de l'ex-milliardaire ? C'est en tout cas la version que Me Ben Branden, avocat de la défense, a tenté d'accréditer hier, en poussant le témoin de la partie civile, Michael Leyden, à admettre l'existence d'un deal sur la question. M. Leyden a été entendu par le tribunal de Westminster à Londres, en sa qualité de haut fonctionnaire du Foreign et du Commonwealth Office. Il est intervenu comme l'ultime témoin, dans le cadre des auditions portant sur l'extradition de l'ancien golden boy. Ancien ambassadeur en Libye et au Maroc, le diplomate a eu à diriger des négociations sur la signature de conventions d'extradition avec un certain nombre de pays comme l'Algérie. À ce titre, il s'est rendu plusieurs fois à Alger pour finaliser les accords sur l'entraide judiciaire. Depuis 2006, il supervise le transfert de suspects terroristes. Selon lui, une dizaine a été renvoyée en Algérie, dont deux ont été jugés et condamnés à des peines de prison. Selon lui, le gouvernement algérien a honoré ses promesses sur le respect des droits des individus extradés. Dans le cas de Khelifa, il estime que les assurances présentées par le département de Tayeb Belaïz, pour l'organisation d'un procès équitable, sont dignes de foi. Evidemment, pour la défense, le soutien de M. Leyden à l'extradition de l'ex-milliardaire n'est pas tout à fait innocente. D'emblée, Me Branden a remis en cause son profil d'expert indépendant. À ses yeux, le diplomate est la voix du Foreign Office qui souhaiterait que la justice s'exprime en faveur du transfert de Khelifa, pour ne pas compromettre le retour des terroristes vers l'Algérie. Allant plus loin, l'avocat a suggéré que la signature de la convention d'extradition en 2006 repose sur ce deal. Pour étayer ses propos, il a lu devant le tribunal des extraits de déclarations publiques et d'échanges épistolaires entre des responsables algériens et britanniques, suggérant le compromis et laissant entendre surtout que Londres fera ce qu'il pourra pour contenter Alger et, par la même occasion, se débarrasser d'une flopée de radicaux algériens dangereux. Sans avouer que ce genre d'arrangement a été conclu, M. Leyden a admis que les autorités de son pays ont toujours tenté d'expliquer à leurs homologues algériens que le cas Khelifa ne dépend pas du pouvoir exécutif, mais de la justice. Si ça ne tenait qu'à lui, le gouvernement britannique aurait déjà renvoyé l'ex-milliardaire chez lui. Pour deux raisons. En sa qualité de représentant du Foreign Office, M. Leyden estime que Khelifa est coupable. Selon lui, la thèse de la conspiration soutenue par ses avocats ne tient pas la route. Par ailleurs, il récuse les allégations exprimées par les professeurs George Joffe et Hugues Roberts — experts de la défense — sur la manipulation de la justice. Sur la base de rapports transmis par l'ambassade de Grande-Bretagne à Alger, le diplomate estime que le procès de Khalifa Bank à Blida a été conduit de manière professionnelle. Plus globalement, il croit à l'indépendance du système judiciaire en Algérie et conteste les réserves des ONG comme Amnesty International en matière de respect des droits de l'Homme. Le passage de M. Leyden a clos l'audition des experts. Le juge Timothy Workman écoutera les plaidoiries des avocats de la défense et de la partie civile lundi prochain. Sa décision est attendue pour le mois prochain.