1- Dans toutes les civilisations et les religions, à travers tous les temps, les grottes furent, par excellence, les lieux de révélation, de méditation, d'évasion et de création. L'image du Prophète Mohamed, Que Le Salut Soit Sur Lui, est liée à la grotte appelée Hayraê ou Harraê, là où il avait reçu la révélation, là où il avait rencontré, pour la première fois, Ange Gabriel. 2- Chez nous, dans notre pays, nous possédons un grand patrimoine symbolique en grottes historiques. Des grottes dont l'histoire est liée à deux grandes personnalités universelles, deux grands hommes qui ont bouleversé le monde des idées et celui de l'écriture. Nous les considérons comme une partie importante de notre patrimoine universel. 3- Le premier est Ibn Khaldoun (1332-1406), qui vécut en Algérie (Al Maghrib al Awssat), dans la région de Tihert (Tiaret), Kalât Beni Salam. Le deuxième est Miguel de Cervantès (1547-1616) qui, lui aussi, dans d'autres circonstances, a vécu cinq années en Algérie. Ces deux grandes figures renferment une mémoire algérienne taillée de cette terre et sculptée de son ciel. Leurs écrits sont, sans doute, marqués par le parfum et la souffrance et le rêve des enfants de cette terre. 4- Aujourd'hui, nous, intellectuels, nous considérons que c'est une grandeur et une fierté inégalées que d'être né et d'avoir appartenu à cette même terre qui a bercé et qui a été bercée par des grands, à l'image d'Ibn Khaldoun, Cervantès ou Jacques Berque. 5- Dans les grottes de Taghzout se trouvant à quelques kilomètres de Frenda, ville magnifique qui a donné un autre géant de la pensée universelle et traducteur du Coran, Jacques Berque. Dans ces grottes connues actuellement sous le nom grottes d'Ibn Khaldoun, ce dernier a trouvé refuge, pendant quatre années, entre 1375 et 1378, fuyant ses ennemis et ses jaloux, ceux de Fès et ceux de Tlemcen. Dans ces grottes, il acheva la célèbre Mouqadima et écrivit une partie du Kitab El Ibar, deux œuvres majeures qui ont complètement bouleversé la pensée universelle. 6- Même si les grottes d'Ibn Khaldoun sont classées depuis 1949, reclassées en 1968, elles demeurent dans l'oubli, dans le silence culturel et sans vie et sans présence. 7- Les grottes de Taghzout sont un lieu fort en symbole et en symbolique. En Andalousie, au Maghrib al Aqsa, le Maroc, au Maghrib al Adna, la Tunisie, en Turquie et en Egypte, partout où Ibn Khaldoun est passé, où il a vécu, son parcours est inscrit, enregistré et conservé pas à pas. Quand on relit le parcours de ce savant, et je ne suis pas spécialiste d'Ibn Khaldoun, on s'aperçoit qu'il est amputé de la période Algérie (Al Maghrib al Awsat). 8- Notre pays, malheureusement, n'a pas fait un grand effort pour mettre en valeur ces grottes qui font l'honneur de l'histoire algérienne et un moment fort pour la mémoire de cette terre culturelle. 9- En janvier 2004, les responsables du ministère de la Culture ont présenté un projet noble, ambitieux et très important : la création d'un centre d'études khalduniennes avec une bibliothèque, des salles de conférences, des bureaux de recherche et des laboratoires. Le projet, dont le délai de réalisation a été fixé, à l'époque, à 18 mois, avec un budget de 78 millions de DA. 10- Sans doute, une institution pareille pourrait jouer le rôle intellectuel et culturel pour et autour de ces grottes (sauvegarde, conservation et promotion culturelle) et, bien sûr, réhabiliter la dimension civilisationnelle et universelle de l'auteur de “La Moukadima”, particulièrement la période du Maghrib central. Mais malheureusement, depuis 2004, le projet n'a pas donné signe de vie. Il est resté au stade de maquette, de dessins, et de formes en encre ! 11- Imaginons ce centre d'études khalduniennes en place, en pleine fonction, ceci sans doute, aurait offert une forte présence culturelle et scientifique à la région. Imaginons ce centre d'études khalduniennes en exercice, en pleine mission, autour des grottes d'Ibn Khaldoun, nous serions, sans doute, capables de changer une grande partie du relief des paysages culturels de notre pays. Nous serions en mesure, par ce centre, de libérer toute la région de son isolement et de son silence culturel, ainsi nous la valoriserions et la mettrions sur la scène nationale et internationale. 12- Réveiller le projet du centre d'études khalduniennes, c'est mettre toute la région en contact avec le monde. Faire remuer le projet dans son sommeil, pour ne pas dire dans sa tombe, ce serait classer la région comme un espace comblé de symboles et de culture et d'histoire, en espace universel. Faire bouger ainsi tout un monde autour de ce projet : le tourisme, la culture et l'économie (*)Ecrivain À suivre… [email protected]