Enumérant les cas de fraude recensés par son parti, la désormais ex-candidate affirme qu'aucune wilaya n'a échappé “aux manipulations” des chiffres. Louisa Hanoune est furieuse. Elle n'arrive pas encore à croire ce qui vient de se passer lors du scrutin de jeudi après une campagne électorale qu'elle considérait il y a quelques jours comme la plus propre et la plus sereine. Encore sous le choc des chiffres officiels rendus publics par le ministre de l'Intérieur, la candidate du Parti des travailleurs a remis en cause et le taux de participation et le score attribué au Président-candidat, ne tarissant pas de qualificatifs pour décrire une situation qu'elle juge “triste” et où la fraude a été “méthodique”. Des chiffres qu'elle rejette “en gros et dans le détail”. “L'évènement a été détourné. C'est une atteinte à la souveraineté nationale”, fulmine-t-elle, estimant que le taux de participation de 74% annoncé n'a pas été atteint en réalité. Ce qui choque encore plus Mme Hanoune, ce sont les taux officiels de la participation dans la capitale et les grandes villes du pays. “Ces taux ne sont pas vrais. On n'avait pas besoin de cela. Un taux de 55 ou 60% aurait suffi. Le seul pays au monde à atteindre ces chiffres, c'est la Biélorussie gouvernée par un régime stalinien. C'est une majorité écrasante qui a écrasé les consciences”, dénonce-t-elle, lors de la conférence de presse qu'elle a animée au Centre international de presse d'Alger. Voyant dans ces pratiques “une provocation politique” à l'encontre de son parti et “un détournement des voix et des consciences”, Mme Hanoune se rend compte maintenant que “le système n'a pas changé”. Pour la patronne du PT, le score attribué au Président-candidat ne le sert pas forcément. “Avec ça, il (le chef de l'Etat) ne peut pas réussir. Au contraire, un président élu lors d'une élection entachée est fragilisé”, relève-t-elle, trouvant qu'avec ce qui vient de se passer “il est dommage qu'il ne saura pas qui a voté réellement pour lui”. “Le Président est otage des courtisans”. Enumérant les cas de fraude recensés par son parti, l'oratrice indique qu'aucune wilaya n'a échappé “aux manipulations” des chiffres. Elle refuse, cependant, de pointer un doigt accusateur en direction du président de la République ou du ministre de l'Intérieur. Qui serait donc derrière “ces pratiques sales et méthodiques ?” “Je ne veux pas croire qu'il ait eu des ordres. J'ai beaucoup de respect pour M. Zerhouni”, se contente-t-elle de répondre tout en dénonçant “le clientélisme et le parasitisme”. Pourtant, d'après elle, “il y a bien une orientation nationale” dans ce qui s'est passé. Concernant le nombre de voix qu'elle a obtenu lors de ce scrutin, Mme Hanoune rejette l'écart entre elle et le Président élu. “L'écart (apparaissant dans les chiffres officiels) n'a jamais été atteint. Je le talonnais de près”. S'appuyant sur les chiffres de son parti, la candidate affirme que l'écart entre les deux postulants n'a jamais atteint 50%. Le score qu'elle aurait réalisé serait, d'après elle, de pas moins de 30%. Quand est-ce que la fraude a commencé ? Pour elle, si des incidents circonscrits ont été enregistrés dès la matinée de jeudi, les choses ont pris une tournure grave “à partir de 16h”. “Certains responsables étaient paniqués à partir de 16h et d'autres à 18h. Ensuite, c'est comme si c'était une machine incontrôlable”, note Mme Hanoune qui dénonce des agressions physiques sur ses militants de la part de responsables locaux. Bourrages, manipulations des procès-verbaux de vote, circulation de PV vierges et signés, déplacement d'urnes, présence de bureaux spéciaux pourtant bannis, représentant des candidats interdits d'accès aux bureaux de vote… la liste des dépassements est longue d'après Louisa Hanoune. Celle-ci s'étonne même que l'école où elle a accompli jeudi son devoir électoral et où elle avait l'habitude de voter était en réalité un bureau spécial où les jeunes filles stagiaires de l'école de police Aïn Bénian ont voté. La candidate estime que le comble a été atteint à Annaba où “le nombre de votants est supérieur à celui des inscrits”. Elle a donné “à titre indicatif” quelques exemples de fraude enregistrée dans nombre de régions. À Maghnia, selon Mme Hanoune, Bouteflika a été crédité officiellement de 5 598 voix alors que les PV en possession du PT ne lui attribuent que 31 655 voix. La candidate du PT qui a bénéficié, dans la même région, de 2 421 voix a vu son score ramené à 928 voix. À Constantine, elle a engrangé dans un certain nombre de centres de vote quelque 28 000 voix, alors que les chiffres officiels ne lui attribuent pour toute la wilaya que 16 000 voix. Que fera maintenant la candidate ? “Je ne m'adresserai pas à Bessaïeh (le président du Conseil constitutionnel), mais à ceux qui veulent le bien pour ce pays pour qu'ils se réveillent et corrigent ce qui devrait l'être”, se contente-t-elle de dire. Sans le dire, la candidate semble garder espoir que son score soit revu à la hausse. Hamid SaIdani