Le suffrage universel a été biaisé et la candidate du PT à la présidentielle de jeudi dernier, Louisa Hanoune, l'a vérifié à ses dépens. Au lendemain de l'annonce officielle des résultats du scrutin, elle monte au créneau pour dénoncer « une fraude massive et généralisée ». « Aucune wilaya n'a échappé au bourrage des urnes », lance-t-elle lors d'une conférence de presse animée, hier, à Alger. Se disant outrée par les flagrants dépassements enregistrés dès le début du scrutin, Louisa Hanoune affirme d'emblée que la fête démocratique a été ajournée. « J'aurais aimé venir aujourd'hui annoncer une victoire de la démocratie et la consécration de la rupture avec les pratiques du système du parti unique. Mais ceux qui sont chargés d'organiser ces élections ont différé ce rendez-vous », déplore-t-elle, en citant une panoplie de faits qui ont décrédibilisé, à ses yeux, cette élection. Avant de rentrer dans les détails d'une fraude programmée, elle remet en cause d'abord les résultats annoncés, vendredi dernier, par le ministre de l'Intérieur, Noureddine Yazid Zerhouni. Des résultats qui la mettent en deuxième position avec seulement 4,22% des suffrages exprimés. « Je rejette globalement et dans le détail les résultats officiels », déclare-t-elle, en soulignant qu'il n'y a au monde qu'un seul pays qui applique encore de tels scores électoraux, en l'occurrence la Biélorussie. « Le score obtenu par Bouteflika à l'issue de ce vote est digne des républiques bananières », dénonce-t-elle. Ce faisant, Louisa Hanoune estime que, selon les résultats enregistrés au niveau du parti, elle est classée deuxième en talonnant de près le président-candidat. « J'ai obtenu au moins 30% des suffrages », réclame-t-elle. « J'ai été victime de manipulation » Le taux de participation de 74,54% rendu public par le ministre de l'Intérieur ne correspond pas également, dit-elle, à la réalité. « La participation était appréciable, mais en aucun cas elle ne pouvait atteindre les 74%. Elle se situe uniquement autour des 52% », précise-t-elle, avant de citer « les graves dépassements » : bourrage des urnes, falsification des procès-verbaux de dépouillement, menaces et agressions des contrôleurs du parti…la liste de la conférencière est interminable. A Alger, à Constantine, à Annaba, à Khenchla et partout dans le pays, les fraudeurs, assure-t-elle, étaient déterminés à violer la volonté populaire. « Nos militants ont assisté, en direct, au bourrage des urnes. Ils étaient même empêchés d'accéder aux bureaux de vote », explique-t-elle, en citant des exemples à Khenchela et Alger où on a donné à Bouteflika 100% des suffrages. A Annaba, enchaîne-t-elle, le nombre de votants est largement supérieur à celui des inscrits. Une véritable blague. La fraude s'est faite également par la manipulation des chiffres et la falsification des P-V de dépouillement. Des P/APC et des responsables de bureau de vote, cite-t-elle, se sont enfuis avec des P-V. « Poursuivis par nos représentants, ces derniers leur ont dit : ne craignez pas ! vous êtes classés à la deuxième place », ajoute-t-elle. « Je m'en fous des places. Je ne cherche pas des places », s'insurge-t-elle, en dénonçant une volonté de nuire au PT et à elle-même. L'autre forme de fraude est le fait de voter à la place des électeurs. « On a voté même à la place de mon directeur de campagne, Djelloul Djoudi, et de sa famille », fulmine-t-elle. L'oratrice dénonce aussi le vote des corps constitués qui ont été utilisés pour gonfler les chiffres. « A l'école El Oumouma d'Alger-Centre où j'ai voté moi-même, ils ont ramené des policières. Ayant presque la même taille et bien habillées, ces filles ont fait la queue pour voter. Quand je les ai vues au début, j'ai cru qu'elles étaient de simples électrices et j'ai fait des déclarations en disant qu'il y a une affluence. Il s'est avéré qu'elles étaient des policières ramenées de Aïn Benian. Pourquoi les ont-ils ramenées dans le bureau où je votais ? J'ai été victime d'une manipulation et je ne vais pas me taire », lance-t-elle. Ces pratiques relèvent, selon elle, du système du parti unique. Qui est responsable de cette situation ? Pour Louisa Hanoune, l'instruction de bourrer les urnes n'était pas centralisée. Elle estime qu'elle n'émane ni du ministre de l'Intérieur ni du président Bouteflika. Ce sont, explique-t-elle, les courtisans et la clientèle qui seraient derrière cette fraude. Pour la patronne du PT, cela dessert plus Bouteflika. « Un président élu de cette manière et un président fragilisé », conclut-elle.